«Un élu doit respecter l’aspect sacré d’un débat législatif»
Pascal Décaillet
VVendredi 2 octobre 2015, sur le coup de 17h30: alors que le Grand Conseil siège, en session spéciale demandée et obtenue par l’UDC et le MCG, sur la question de l’accueil aux migrants, des manifestants font irruption au balcon, brandissent une banderole «Les réfugiés sont bienvenus ici», se mettent à scander des slogans, bref viennent hurler dans le sanctuaire réservé à la parole parlementaire. Le président du Grand Conseil, Antoine Barde, demande à la police d’évacuer la tribune, ce qui se fait tant bien que mal. Après quelques minutes d’interruption, la séance peut reprendre. Au moment où l’esclandre avait commencé, c’était le député Eric Stauffer, élu MCG, qui s’exprimait dans l’enceinte parlementaire.
Signal catastrophique
On a certes connu, dans l’Histoire genevoise, des heures plus graves. Nous ne sommes ni le 9 novembre 1932 sur la plaine de Plainpalais, ni le 6 février 1934 devant le Palais Bourbon. Ni, bien sûr, aux Cortes, le Parlement espagnol, le 23 février 1981, lorsque le lieutenant-colonel Tejero était arrivé, révolver au poing, dans l’enceinte des débats. Les manifestants genevois du 2 octobre dernier étaient pacifiques, ils ont juste donné un peu de voix, et puis voilà. Légalement, devront-ils répondre de leur acte? Cette question ne nous intéressera que moyennement. Nous jugeons ici des choses politiques, et là, il y a beaucoup à dire. Il y avait, parmi eux, des membres d’Ensemble à Gauche. Dont, apparemment, des candidats aux élections fédérales. Là, le signal donné, au jour J-16 d’une élection majeure, est tout simplement catastrophique.
Une question de respect
Que la rue manifeste, c’est une chose. Que les sans-voix tentent de monter des actions, cela peut encore s’expliquer. Mais un candidat à une instance législative doit être le premier, dans le corps des citoyens, à respecter l’aspect sacré d’un débat parlementaire. Seuls ceux qui siègent doivent s’y exprimer. Rien, nulle pression externe, d’aucune chaussée, d’aucun balcon, ne doit venir perturber leurs débats. Venir hurler à la tribune du Grand Conseil, alors qu’on est soi-même candidat, c’est bafouer l’ensemble de notre système institutionnel. On peut plaider pour une révision à la baisse du rôle des Parlements en Suisse, mais rien n’empêche que la sérénité des débats, lors des séances, est sacrée, et ne doit en aucun cas être mise en cause.
Dégât d’image
Pour l’image d’Ensemble à Gauche, c’est très dommage. Car il existe, au sein de cette galaxie, une majorité de militants qui sont des personnes totalement attachées aux institutions républicaines. A juste titre d’ailleurs, quatre d’entre elles, élues au niveau cantonal ou communal, réprouvaient dès le lendemain, dans un communiqué, ces «comportements déplacés d’activistes». Mais hélas pour eux, hélas pour l’ensemble de cette formation à laquelle nous rendons souvent hommage ici, le dégât d’image est commis. Suprême maladresse, à deux semaines et deux jours des élections fédérales. Cela, au moment où, enfin, Ensemble à Gauche peut espérer reconquérir un siège sous la Coupole. L’auront-ils? Nous le verrons bien. Disons simplement que l’esclandre hurlant, éruptif et libertaire du vendredi 2 octobre n’aura rien fait pour faciliter cette reconquête. En politique, il faut parfois réfléchir un peu avant d’agir.