«Notre démocratie directe, unique au monde, beaucoup de nos voisins l’envient»
Pascal Décaillet
Dans notre démocratie suisse, le peuple est souverain. Que signifie «le peuple»? Il ne s’agit pas de l’ensemble de la population! Au niveau fédéral, les étrangers, ainsi que les moins de 18 ans, n’ont pas le droit de vote. Sur un total de quelque 8 millions d’habitants en Suisse, le corps électoral est donc d’environ 5 millions de personnes. Ce sont eux que, par raccourci, on appelle «le peuple». Lorsqu’il y a initiative ou référendum, ce sont ces cinq millions de citoyennes ou citoyens qui constituent le cercle des votants.
Initiatives et référendums
Maintenant, que signifie «il est souverain»? Il ne s’agit pas pour lui de décider de tout! Nous avons un Parlement, à Berne, qui fait les lois. Sa sphère doit être respectée. Mais notre Constitution est très claire: dans deux cas, les initiatives et les référendums, c’est le corps électoral, dans son ensemble, qui tranche. Un référendum attaque une loi votée par le Parlement, mais jugée mauvaise par un groupe de citoyens, qui doit récolter des signatures. L’initiative est plus intéressante: elle ne se définit pas en rapport avec une décision du Parlement.
Non, c’est elle qui amène le sujet sur la table. Surgi d’en bas, une fois les signatures récoltées (ce qui est loin d’être facile), le thème proposé devient un enjeu de débat national. A trancher, un beau dimanche, par la majorité du peuple et celle des cantons. Cette démocratie directe, unique au monde, beaucoup de nos voisins nous l’envient. Nos amis français, par exemple, acceptent de moins en moins que tout vienne d’en haut, sans participation de la base des citoyens.
Notre système suisse stipule surtout qu’aucune voix, au sein des cinq millions de votants potentiels, n’est supérieure à une autre. Chacun est libre de s’exprimer, donner son avis, et surtout voter comme il l’entend. En cela, notre modèle est l’un des plus égalitaires sur la planète. Et ce respect du citoyen, voyez-vous, s’accommode assez mal de la détestable tradition parisienne, très Rive Gauche, des consignes de vote données par des listes de personnalités.
Unique au monde
En Suisse, chaque voix pèse le même poids. Nul écrivain, nul cinéaste, nulle vedette de la chanson, nul ancien président de la Confédération, ou ancienne présidente, ne bénéficie, face au suffrage universel, d’une quelconque prépondérance. Ces gens-là ont parfaitement le droit de s’exprimer. Comme nous tous. Sans plus. Nous n’avons pas, en Suisse, la tradition, très Saint-Germain-des-Prés, de la démocratie de salon, où telle personnalité du théâtre, du cinéma ou de la littérature, ou tel «philosophe», chemise blanche et chevelure en comète, vient nous brandir l’orthodoxie de la pensée.
Dès lors, les «listes de signatures de la société civile», face à telle initiative, paraissent bien vaines, bien légères. Notre démocratie suisse est indivisible: chaque voix compte, chaque suffrage est légitime. Nul citoyen ne pèse plus qu’un autre. La société civile, c’est nous.