En matière de Genferei, c'est bien le record de l'année qui a été pulvérisé. A cause d'une «négligence de la Chancellerie, à Genève, le peuple suisse pourrait bien être empêché de se prononcer sur les fameux accords fiscaux Rubik avec l'Allemagne, l'une des questions les plus controversées dans les choix politiques de la Suisse aujourd'hui. Oui, à cause de la Chancellerie genevoise! Parce qu'elle n'a pas envoyé les 1500 signatures récoltées dans notre canton en «Postpack priority», mais en mode économique. Du coup, les signatures sont arrivées trop tard à Berne. Elles auraient sans doute fait la différence, et permis aux référendaires d'atteindre les 50'000 signatures nécessaires. Et au peuple, de se prononcer.
HOLD-UP DÉMOCRATIQUE L'affaire est juste énorme. Et il est assez hallucinant qu'une partie de la presse se contente de la traiter avec sourire et condescendance, sur le mode du vaudeville, le même que l'histoire du seau d'eau qui baptisa l'infortuné juge Devaud. Car enfin, ici, il ne s'agit pas de massages aquatiques, mais bel et bien de la possibilité, pour le peuple de la Suisse toute entière, de se prononcer souverainement sur l'un des sujets politiques les plus sensibles du moment. Et ce hold-up démocratique, sur l'ensemble du territoire national, de Genève à Romanshorn, de Chiasso à Rheinfelden, à cause de qui? La Chancellerie genevoise! Rarement nos Pieds, à Genève, n'auront été aussi Nickelés dans le regard de nos compatriotes. C'est Ribouldingue, Filochard et Croquignol tous ensemble, au pouvoir. Les hydromassages de MM Devaud et Geiger, en comparaison, relèvent de la partie de cartes polie, à l'heure du thé. Le petit doigt en érection, vers le lustre poli.
APPROXIMATIVE La Chancellerie genevoise n'en est pas à son coup d'essai. Avec beaucoup d'élégance, elle avait «oublié» les funérailles de Mgr Genoud, l'évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. C'est en tout cas la version officielle qu'on nous avait livrée, peut-être pour couvrir la raideur ultra-laïcarde de certains magistrats. Elle avait aussi, pêle-mêle, donné du «Christophe» au candidat Lüscher sur une liste électorale, incident certes plus bénin. Elle prend l'habitude, surtout, de nous envoyer de plus en plus tard les enveloppes de vote dans nos boîtes aux lettres. Bref, on dira, pour rester poli, que la Chancellerie apparaît comme un peu approximative dans l'exercice de certaines fonctions.
CONDESCENDANCE Le problème, dans l'affaire du référendum de l'ASIN (Action pour une Suisse indépendante et neutre) contre les accords fiscaux, c'est que les retombées de la «distraction» genevoise sont nationales. L'autre aspect, j'y reviens, c'est la condescendance d'une partie de la presse. Comme si, parce que c'est l'ASIN, ça n'était pas grave. Ces journalistes-là, qui préfèrent les arrangements d'en haut à la légitimité du peuple, sont au fond bien contents que la Suisse s'épargne un vaste débat national sur le sujet. Parce que le peuple, c'est sale. Le peuple, ça pue. Le peuple, ça vient casser les beaux édifices des élites. Alors, vous pensez, la distraction de la Chancellerie, elle tombe rudement bien. Et ça permettra, entre soi, de survivre avec le pouvoir. Dans les cocktails.
«Les signatures sont arrivées trop tard à Berne»