Préférence cantonale. Ou préférence locale, comme on voudra. Le terme, depuis 2005, est clairement estampillé MCG. Un label d'origine! A cause de ce concept, jugé comme réactionnaire par les partis au pouvoir, ou tout au moins recroquevillé, contraire à la béatitude d'un univers sans frontières, ce parti, pendant des années, a été ostracisé, caricaturé, vilipendé par tout ce que Genève compte d'obédiences au pouvoir en place. Et puis, ces derniers mois, de façon accélérée et plutôt impressionnante, les choses ont changé. L'opinion publique, et aussi une bonne partie de ses relais, semble trouver, au fond, plutôt normal qu'une communauté citoyenne tende à favoriser l'emploi à ses propres résidents. Et ne rougit nullement de voir des habitants de Genève occuper, plutôt que des Belges ou des Toulousains, les postes-clefs du canton.
ILLUSION LIBÉRALE La rapidité de cette évolution est incroyable. J'entends encore, pendant la campagne électorale de l'automne 2009, des conseillers d'Etat en quête de réélection, costumes impeccablement taillés, prendre de très haut, du sommet de leur arrogance, toute idée visant à remettre en doute le dogme de l'absolue liberté de circulation. Même Jean-Pascal Delamuraz, qui s'était tant battu pour l'Espace économique, il y a juste vingt ans, n'était jamais allé aussi loin. Oui, de vieux partis républicains, comme les radicaux, s'étaient engouffrés dans la grande illusion libérale. Avec comme étranges alliés, au nom d'une «Région» sur laquelle aucun débat démocratique n'a encore eu lieu, un PDC bien poitevin dans son Marais, et le grand soir libertaire des Verts, avant tout soucieux de se maintenir dans les postes du pouvoir.
GRAND TOURNANT Mais voilà que les esprits ont changé. Cette législature, 2009-2013, aura été celle du grand tournant. Non seulement il n'est plus du tout tabou, à l'automne 2012, d'évoquer la préférence cantonale, mais beaucoup s'y sont purement et simplement convertis! A commencer par le Conseil d'Etat lui-même, qui, tout en se gardant bien de prononcer le mot, en a repris l'esprit. En omettant évidemment de reconnaître au MCG une quelconque paternité sur la question. Et puis, bien sûr, il y a eu ces affaires. Celle des HUG, avec cette candidature belge à six cents tickets. Et puis, la nomination d'une éminente personnalité toulousaine, par Madame Künzler, pour diriger les Transports publics à la Direction générale de la Mobilité.
PERLES RARES Des personnes assurément compétentes, nul n'en doute, mais l'opinion publique comprend mal qu'il faille aller si loin pour dénicher des perles rares. D'autant que la réciproque ne frappe pas les esprits: vous en connaissez beaucoup, des habitants de Genève allant diriger de grandes régies publiques, en France ou en Belgique? Bref, les esprits se sont braqués. La gauche, entre Verts et socialistes, s'est déchirée. Le PLR s'est converti. Le PDC, fidèle à une longue tradition de schismes, s'est divisé, le chef du groupe, Philippe Morel, condamnant, sur le fond comme sur la forme, le choix toulousain de Mme Künzler. Bref, le front anti-MCG de l'automne 2009 est en miettes. Sur ce point, le parti d'Eric Stauffer a gagné la bataille de la contamination des esprits. A un an des élections, c'est déjà beaucoup.