Primes trop payées: l'indignation surjouée

SANTÉ • Les assurés genevois en ont marre. Ils veulent être remboursés sur leurs primes trop payées. Mais il n'est pas sûr que la comédie de l'indignation, chez nos politiciens, soit le meilleur moyen de régler les choses.

  • La plupart des Suisses paient beaucoup trop pour leur assurance maladie.

    La plupart des Suisses paient beaucoup trop pour leur assurance maladie.

  • Bertrand Buchs, PDC, et Mauro Poggia, MCG, mouillent leur maillot depuis des années.

    Bertrand Buchs, PDC, et Mauro Poggia, MCG, mouillent leur maillot depuis des années.

  • Mauro Poggia.

    Mauro Poggia.

Ils sont fantastiques, nos politiques: il suffit qu'une célèbre commission des Etats prenne une décision en effet malencontreuse, pour qu'ils s'étranglent d'indignation à n'en plus finir. Les uns sincères, d'autres un peu moins, tous passablement comédiens. Parce qu'il s'agit de l'un des sujets les plus sensibles pour nos porte-monnaies: les primes maladie. Sur un thème pareil, brûlant, impossible de ne pas se montrer en phase avec la population. Tout décalage vous vaudrait des sanctions, pouvant aller jusqu'à la pire: la non-réélection. Alors, on s'emporte, on s'étouffe, on ne décolère plus. Juste un détail, tout de même: qu'avez-vous fait, jusqu'ici, chers politiciens indignés, pour empêcher les primes d'augmenter?

SEPT CANTONS CONCERNÉS
Que s'est-il passé? La plupart des Suisses payent beaucoup trop pour leur assurance maladie. Notamment dans sept cantons, depuis une quinzaine d'années, au moment où est entrée en vigueur la Lamal (loi sur l'assurance maladie). Il y a Zurich. Il y a Vaud. Et il y a aussi Genève! Pour notre seul canton, quelque 350 millions. Or, la fameuse Commission de la santé publique du Conseil des Etats a décidé, le lundi 21 janvier, de passer l'éponge sur les deux milliards perçus en trop au niveau suisse, et de ne pas en exiger le remboursement par les caisses. «Fameuse», cette commission, parce ce qu'on sait le poids qu'y exerce le lobby des assureurs.

LES CHOSES N'AVANCENT PAS
Une décision révoltante, certes, et impossible à avaler par la population. Mais les réactions épidermiques, ou les colères plus ou moins calculées de la classe politique, ne sont pas de nature à faire avancer les choses. Ici, un conseiller d'Etat vient taper du poing devant les caméras. Là, d'autres menacent de faire sécession. Comme si l'appartenance de Genève à la Confédération devait être remise en cause à la première secousse. Surtout, beaucoup donnent de la voix, qu'on aurait aimé entendre davantage, ces dernières années. Deux députés, depuis, des années, ont mouillé le maillot : le médecin PDC Bertrand Buchs et le MCG Mauro Poggia. Et les autres?

RÉACTIONS INFANTILES
Et puis, il y a cette motion, de Bertrand Buchs justement, votée par le Grand Conseil: geler le paiement de la RPT (péréquation financière) de Genève à la Confédération. Autrement dit, faire pression dans un autre domaine! Et là, ça ne va pas. Aussi dure à accepter soit la décision de la Commission des Etats, nous sommes dans un Etat de droit, Genève est un canton suisse, on ne peut jouer ainsi, sous prétexte de rétorsion, avec les équilibres confédéraux. Oui, nous sommes lésés, gravement, dans l'affaire des primes. Non, nous ne devons pas pour autant brandir des réactions infantiles. On ne joue pas ainsi avec le fédéralisme, qui est déjà si fragile.

S'ENGAGER VÉITABLEMENT
Reste qu'il faudra bien faire quelque chose. Par exemple, tout faire pour tenter de convaincre le plénum des Etats, puis le National, de retourner la situation. Mieux infiltrer Berne. S'engager véritablement pour une réforme drastique du système des caisses maladie. Par exemple, en progressant vers des structures plus simples. Plus transparentes. Voire vers une structure unique. Le chemin est encore long. Mais il est absolument prioritaire. Et ne passe pas nécessairement par la comédie surjouée de l'indignation, sur les plateaux TV.