Affaire Cerutti: l’autogoal!

JUSTICE • En condamnant Thierry Cerutti pour «calomnie», le Tribunal de police offre sur un plateau, pour l’avenir, une arme redoutable au MCG ou à l’UDC, régulièrement comparés aux partis des années trente.

  • La condamnation de Thierry Cerutti aura finalement rendu service au MCG et à l’UDC. DR

    La condamnation de Thierry Cerutti aura finalement rendu service au MCG et à l’UDC. DR

Député MCG, ancien maire de Vernier, Thierry Cerutti est un garçon attachant, mais parfois un peu impulsif. Il lui arrive, dans des prises de position publiques, d’aller un peu loin. C’est ce qu’il a fait en comparant le Parti Socialiste de Vernier (PSV), à propos de ses méthodes qu’il juge antidémocratiques, au parti nazi. Verbalement, sémantiquement, devant quasiment toutes les juridictions d’Europe, c’est ce qu’on appelle franchir la ligne rouge. Le PSV a déposé plainte. Et il a eu gain de cause: Thierry Cerutti a été condamné par le Tribunal de police à 90 jours-amende (à 210 francs par jour) avec sursis, et une amende immédiate de 3500 francs. Nous n’entendons pas ici mettre en cause ce verdict sur le plan juridique, ni contester l’impartialité des juges. Mais nous en tirons des leçons politiques: ce jugement s’avère, paradoxalement, un formidable service rendu au MCG, ou à d’autres partis comme l’UDC. Voici pourquoi.

L’objet du délit

D’abord, le corps du délit, la phrase qui a mis le feu aux poudres, écrite sur un blog: «Comme l’ont fait avant lui tous les mouvements socialistes, notamment le parti national-socialiste d’Adolf, les socialistes de Vernier ont entériné la demande de prolongation de mandat de leur campéone. Ils prouvent ainsi que la seule chose qu’ils savent faire, ce sont des promesses, ici celles de la démocratie interne.» Il s’agissait de la demande de quatrième mandat sollicité par Thierry Apothéloz. D’où plainte, et condamnation. Fort bien.

Jurisprudence

Fort bien, mais quoi? Mais voilà qui pourrait bien ressembler, surtout que l’affaire pourrait monter jusqu’au Tribunal fédéral, à un embryon de jurisprudence. Parler d’un parti politique en faisant référence aux mouvements des années trente, nazisme ou fascisme, serait condamnable. D’accord. Et pour ma part, je conçois fort bien que le PSV en ait pris ombrage. Mais alors, Mesdames et Messieurs, cela signifie que désormais, chaque fois qu’un membre, par exemple, du MCG ou de l’UDC se verra servir, par un adversaire, des références (lesquelles sont innombrables) aux «années brunes», ou «méthodes fascisantes», il pourra se sentir encouragé, lui aussi, à porter plainte. Car enfin, l’UDC ou le MCG sont des partis démocratiquement élus par les citoyens pour participer au débat politique, tout autant que les socialistes de Vernier. Et chaque fois, Mesdames et Messieurs les juges, le plaignant vous brandira le précédent du jugement Cerutti. En cela, le Tribunal de police, consciemment ou non, a rendu un monumental service aux principales victimes, à longueur de journées, de blogs, de réseaux sociaux, de la comparaison avec les partis totalitaires des années trente: le MCG et l’UDC.

Une leçon

Pour conclure, ne serait-il pas plus sage, dans un sens comme dans l’autre, et cela s’adresse à tous les partis, d’éviter de faire référence aux années de braise du vingtième siècle européen? Le nazisme, le fascisme, qu’on les étudie, qu’on lise des livres d’Histoire, par milliers, je suis le premier à le faire. Mais les utiliser pour qualifier un adversaire ne fait en rien avancer le débat d’aujourd’hui. C’est cela, la leçon de l’affaire Cerutti.