Le 23 juin, le Royaume-Uni a donc décidé souverainement de quitter l’Union européenne (UE). Si on considère sa grande, sa fière Histoire depuis la bataille d’Hastings (1066), ce pays, en mille ans, n’aura eu que 43 années (1973–2016) d’ancrage institutionnel avec le continent. C’est peu. Une parenthèse, tout au plus. L’événement est de taille, il touche évidemment le destin des Britanniques, y compris les rapports internes entre les nations qui les composent. Il touche les 27 pays restants de l’UE. Il affaiblit considérablement le modèle, devenu aussi illisible qu’insupportable, de cette Europe-là, peut-être d’ailleurs est-elle cliniquement morte. Bref, des conséquences très importantes en Europe. Va-t-il, pour autant, toucher à ce point Genève, ou la Suisse, comme on n’en peut plus, dès le lendemain du vote, de le lire sous des plumes alarmistes, ou de l’entendre par des voix cassées, dans les médias dominants de Suisse romande? La réponse est clairement non. Je vous invite à refuser le ton de ces prophètes, qui masquent leur déception europhile sous des menaces d’Apocalypse.
Pas notre affaire
Car enfin, le Brexit est une affaire entre Londres et Bruxelles. Peut-être aussi entre l’Angleterre et l’Ecosse, voire l’Irlande du Nord. On nous permettra de n’y point voir en priorité une affaire genevoise! Que, dans le milieu très fermé des banquiers privés qui font commerce avec la City, on s’émeuve des nécessaires adaptations qu’il faudra négocier dans les mois ou les années qui viennent, admettons. Mais enfin, l’écrasante majorité de la population genevoise, l’ouvrier, l’artisan, l’employé, le paysan, le fonctionnaire, le chômeur, en quoi ces personnes devraient-elles être touchées par le divorce britannique? Dès lors, pourquoi ce jeu de Cassandre de nos éditorialistes? Pourquoi, si ce n’est, une fois de plus, nous démontrer qu’un peuple a mal voté, n’a «pas compris les enjeux», s’est laissé «duper par les populistes». Bref, toutes les contorsions possibles, sauf prendre acte de la décision souveraine des citoyennes et des citoyens.
Restons calmes!
Alors moi, je dis que j’en ai marre. Marre qu’une cléricature de mauvais perdants vienne nous dicter notre jugement, nous imposer des angoisses, nous mettre au pied du mur, nous promettre l’imminence du Jugement dernier, parce que des Britanniques ont voté sur leur appartenance à l’Union européenne. A cet égard, à quoi pouvait bien rimer, le vendredi 24 juin, 14h, quelques heures après l’annonce des résultats, cette déclaration exagérément solennelle du Président du Conseil d’Etat devant le Parlement, sur le Brexit et ses conséquences? Les 25 autres Présidents des gouvernements cantonaux suisses en ont-ils fait autant? La politique étrangère est-elle, désormais, du ressort des cantons? Le Président du Grand Conseil devait-il, toutes affaires cessantes, lui céder la parole? Genève est-elle à ce point le centre du monde? Ne ferions-nous pas mieux de nous calmer? Que Genève reste dans Genève, Rome dans Rome, et Londres sur sa Tamise. N’en déplaise à l’arrogance, toujours recommencée, du pouvoir.
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