Conseil d’Etat: la pagaille

MéSENTENTES • Au sein du Conseil d’Etat, chacun parle pour soi, nul n’assume l’ensemble. Sept voix, comme sept destins brisés. Chronique de cette petite musique de la discordance.

  • A deux ans des élections, le bilan du Conseil d’Etat n’est pas bon et l’image du pouvoir se fissure. PHOTOMONTAGE ISTOCK/GHI

    A deux ans des élections, le bilan du Conseil d’Etat n’est pas bon et l’image du pouvoir se fissure. PHOTOMONTAGE ISTOCK/GHI

Nous avons plusieurs fois souligné ici le manque de cohérence de l’actuel septuor au pouvoir à Genève, de 2013 à 2018. Le milieu de législature est passé, le bilan intermédiaire de ce Conseil d’Etat n’est pas bon, la dernière ligne droite s’engage, avec dès aujourd’hui les appétits électoraux du printemps 2018 qui s’aiguisent. Dans tous les partis. Chez les socialistes, par exemple, la moindre déclaration de l’une ou de l’autre, parmi les dames qui comptent, s’apparente à une amorce de primaire. Au PLR, les ambitions s’affûtent. A l’UDC, on attend son heure. AU PDC, on voudrait que s’éternise la miraculeuse transformation des pains en poissons, et de l’eau en vin, qui en 2013 porta deux d’entre eux au gouvernement. Au MCG, on nage dans l’illisible. Chez les Verts, on verdit. A Ensemble à Gauche, on s’étripe. Et pendant ce temps, au Conseil d’Etat, on joue les Sept contre Thèbes. Mais en l’absence de Thèbes, on a opté pour la variante «Les Sept contre eux-mêmes».

Pas d’équipe

Oui, le cabinet sent le renfermé. On semble y produire plus d’énergie à tenter de s’y affaiblir mutuellement qu’à organiser un mouvement d’ensemble. Comme souvent dit ici, les qualités individuelles ne sont pas en cause, chacun fait même ce qu’il peut pour son Département. Mais il n’y a pas de septuor, pour la bonne raison qu’il n’y a pas d’équipe.

Lorsque les socialistes, exagérément, attaquent M. Dal Busco, allant jusqu’à exiger son départ, pouvez-vous me dire qui, à l’intérieur du collège, prend la défense du ministre des Finances? En tout cas pas ses chers alliés PLR de l’Entente! Les mêmes socialistes articulent le nom de Pierre Maudet pour remplacer M. Dal Busco (à un poste qui n’est nullement vacant!), et comme par hasard, on apprend dans le Matin dimanche que M. Maudet, «en privé», dégomme son collègue. Bonjour l’ambiance, entre partis «amis».

Guerre froide

Autre exemple: l’ineffable épisode de la FIPOI, cette Fondation pour les immeubles de la Genève internationale qui semble avoir accumulé les erreurs de gestion. Sur le caviardage du premier rapport de la Cour des Comptes, deux versions s’affrontent, celle de la Présidente de cette Cour, celle du Président du Conseil d’Etat. Ces deux éminentes créatures se lancent des missiles par communiqués de presse interposés. On est un peu dans la Guerre froide, un peu dans Docteur Folamour, beaucoup dans la Guerre des Tranchées: quels Sentiers, pour quelle Gloire?

Un échec

Ce Conseil d’Etat, premier du genre post-Constituante, premier pour cinq ans, premier avec un Président sur toute la législature, devait être celui des lendemains qui chantent. Pendant la campagne électorale, on nous l’avait présenté comme tel: enfin une équipe, enfin une cohérence, enfin la même musique. A la vérité, il n’en est rien. Ne subsistent plus, à deux ans des élections, que sept destins isolés, prêts, le jour venu, à se dresser les uns contre les autres. Oui, ce premier gouvernement de la nouvelle ère est un échec. Il reste deux ans. C’est long, deux ans.