Ministre des Finances depuis novembre 2013, confronté à toutes les tempêtes, Serge Dal Busco tient bon. En silence, il encaisse. Loyal, il défend sans faille le gouvernement auquel il appartient. Collégial, il n’attaque personne, alors que fusent contre lui les missiles, dont certains sous-marins. Attaqué par les socialistes, qui demandent carrément sa peau, mais aussi par une partie de la droite, le magistrat tient son cap. Surtout, il conserve, dans l’expression, la tonalité mesurée qui est la marque des grands. Elle n’est pas, cette petite musique de la dignité, sans rappeler la droiture d’un Jean-Pascal Delamuraz, qui, attaqué de toutes parts lors de la campagne du 6 décembre 1992, et même qualifié en Suisse centrale de «traître à la patrie» par un illuminé, était resté de marbre. Cette solidité, dans l’adversité, n’est pas donnée à tout le monde. Elle puise ses sources dans une conviction intérieure, un équilibre, et sans doute une puissance de solitude qui forcent l’admiration.
Vaches maigres
A Genève, c’est sûr, les Finances vont mal. Les vaches sont plus maigres que sous les belles années de David Hiler, il y a moins d’argent, moins de rentrées, et il y a toujours plus de dépenses. Sans compter la bombe à retardement de la Caisse de pension des employés de l’Etat, dont on commence à voir les gigantesques problèmes de trésorerie. Et puis, il y a la fameuse «RIE III», la réforme de l’imposition des entreprises, qui sera l’un des grands combats politiques des mois à venir, la droite voulant un taux unique de 13%, les socialistes parlant plutôt de 15%, c’est un enjeu majeur. Les Finances vont mal, mais il est d’une totale mauvaise foi d’imputer cette maladie à Serge Dal Busco! Les racines de la dégradation sont à chercher bien en amont, dans l’impéritie des législatures précédentes, notamment en matière de Caisse de pension, la multiplication des dépenses, le creusement de la dette, les engagements à tour de bras dans la fonction publique. Tout cela, bien avant l’arrivée aux affaires du Bernésien.
Bouc émissaire
Serge Dal Busco fait justement partie de ceux qui nous invitent à la rigueur pour arranger la situation. La gauche s’en offusque, parce qu’on ne fait pas à la fonction publique tous les cadeaux du monde. Et à droite, où les appétits pour 2018 commencent déjà à s’aiguiser, on s’accommode assez bien de focaliser toutes les responsabilités sur un bouc émissaire. Jamais, d’ailleurs, les socialistes, qui multiplient les salves contre le ministre des Finances, n’agiraient avec une telle hargne, s’ils ne se sentaient pas, peu ou prou, «couverts» par une partie de la droite, qui jouit en silence de les laisser monter au front. Voilà donc un homme compétent, travailleur, honnête, parfaitement intègre, droit dans ses bottes, pris en tenaille entre les rêveurs du Grand Soir et les noirs desseins de certains de ses «chers alliés», au sein de l’Entente gouvernementale. Tenir, comme il tient, dans ce genre de conditions, est tout simplement admirable. Je le dis et l’assume. Et si c’est contre le courant dominant, je le dirai encore plus fort.