Hommage aux Hongrois de Genève

IMMIGRATION • Il y a juste soixante ans, des milliers de réfugiés hongrois frappaient à la porte de la Suisse. Elle leur fut ouverte. Et ils se sont montrés, pendant six décennies, admirablement dignes de cet accueil.

  • La Suisse, terre d’asile pour de nombreux Hongrois il y a 60 ans. GETTY IMAGES/GRAFISSIMO

    La Suisse, terre d’asile pour de nombreux Hongrois il y a 60 ans. GETTY IMAGES/GRAFISSIMO

    Il y a juste soixante ans, le 23 octobre 1956, la Hongrie faisait sa Révolution. Dans un bloc de l’Est sous influence soviétique, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on avait eu l’impression, depuis le Rapport de Khrouchtchev au XXe Congrès du PC d’URSS, en février de la même année, qu’une décrispation était possible. D’ailleurs en juin, les émeutes de Poznan (Posen, pour les Allemands), en Pologne, avaient amené au pouvoir le réformiste Gomulka. En Hongrie donc, en cet automne 1956, règne un parfum de liberté. Au point que, ce fameux 23 octobre, on rappelle aux affaires Imre Nagy, expulsé en avril 1955. Les jours suivants, Budapest est en effervescence, on commence à croire (malgré la saison!) à un Printemps hongrois. La suite, on la connaît: le 4 novembre, les Soviétiques envahissent Budapest. La répression sera terrible. Des dizaines de milliers de Hongrois prennent le chemin de l’exil. Beaucoup d’entre eux viennent chez nous, en Suisse.

    Destins croisés

    Soixante ans après ces événements sanglants, je veux dire ici l’intensité de l’amitié des Suisses et des Hongrois. Nous les avons accueillis, c’est vrai. Mais eux, comme réfugiés, se sont admirablement comportés. Rarement, malgré la barrière de la langue (essayez d’apprendre le hongrois!), une communauté étrangère ne s’est aussi impeccablement coulée dans le moule de nos traditions suisses. Ces Hongrois, arrivés dans des circonstances tragiques, abominables même, ont frappé à la porte de notre pays. Cette dernière (plus facilement, il est vrai, qu’aujourd’hui) leur fut ouverte. Ils se sont pliés à nos coutumes. Ils ont respecté nos usages. Ils nous ont apporté toute la richesse de leurs traditions. Leur destin et le nôtre se sont croisés. Ils se sont mariés. Ils ont conflué, comme deux fleuves. Il devait y avoir, entre eux et nous, comme une communauté profonde, invisible, dans l’amour de la liberté. Ces Hongrois, pour l’immense majorité, sont devenus Suisses. Ils le sont évidemment, sans partage. Ils constituent une facette de notre identité nationale.

    Intégration parfaite

    L’émigration hongroise de 1956 en Suisse, et particulièrement à Genève, constitue, au même titre que le Grand Refuge des Huguenots français, suite à la Révocation de l’Edit de Nantes (1685), un exemple d’absolue réussite de l’Asile, lorsque ce dernier repose sur la confiance réciproque, et n’est pas dévoyé par d’autres finalités que celle du refuge politique. Dans ces conditions seulement, où une main fut un jour tendue à celui qui en avait absolument besoin, peut éclore l’extraordinaire relation d’estime et de reconnaissance mutuelles entre deux communautés humaines. Il nous appartient aussi à nous, les Suisses, de dire merci à ces Hongrois de 1956, et à leurs familles. Ils nous ont prouvé, par la qualité de leur intégration, qu’il pouvait parfaitement exister une vie après l’exil. Une autre vie, ailleurs, au milieu de frères humains qui partagent avec eux les valeurs essentielles. Hommage aux Hongrois de Genève. Leurs festivités, autour de ce soixantième anniversaire, seront aussi les nôtres.