Dans notre démocratie suisse, le personnage principal, ça n’est ni le président de la Confédération, ni celui de l’Assemblée fédérale, ni celui du Conseil d’Etat, ou du Grand Conseil, de votre canton. Non, le personnage numéro un, c’est le citoyen, ou la citoyenne. Chacun d’entre nous, non en tant qu’individu, mais comme partie prenante, quatre fois par an, à la grande liturgie profane du suffrage universel. Chaque citoyenne, chaque citoyen constitue, lorsqu’il participe à un processus de vote, une part certes infime, mais indivisible, inaliénable, du pouvoir suprême de décision sur le destin suisse.
Formé et non formaté
C’est cette part sacrée que des millions de Français, relayés par le mouvement des «gilets jaunes», veulent obtenir, pour se prononcer désormais, comme en Suisse, directement sur les thèmes de la politique. Et non se contenter, tous les cinq ans, de choisir des «représentants», qui feraient la politique à leur place. Parce que cette part réclamée est sacrée, le président Emmanuel Macron la leur refuse, ou rechigne en tentant de gagner du temps: l’ordre du sacré, dans son esprit, est réservé au monarque.
En Suisse, nous devenons citoyens à l’âge de 18 ans, celui du droit de vote. Mais pour être immédiatement opérationnel, à ce moment de la vie, dans le champ politique, il est absolument nécessaire d’y avoir été, avec patience et pendant de longues années, formé par le système scolaire. Formé à la citoyenneté, et non formaté pour se fondre dans un parti ou un autre!
L’histoire politique
Formé aux actes citoyens, à la mécanique de décision dans notre pays. Informé, dès l’école primaire, de façon aiguisée, appétissante, plaisante, pourquoi pas ludique, sur notre système. Initié, surtout, à l’histoire politique. Celle de l’Europe, celle du monde, celle de la Suisse, celle du canton. Initié, par des profs d’histoire qui aient la niaque! On n’a pas le droit, sur des sujets aussi capitaux, de se montrer ennuyeux, grisâtre, poussiéreux: le prof d’histoire doit être le hussard noir de la République, celui qui éveille, excite, secoue le sens, affûte la curiosité, dégage des lignes de crête, éclaircit les horizons.
Quant à l’éducation citoyenne, elle peut afficher mille visages. Débats, jeux de rôles, visionnements d’émissions TV, écoutes de moments de radio, initiation à l’usage des sites internet, et même à une utilisation citoyenne des réseaux sociaux. Il est urgent, en Suisse, que près d’un siècle d’archives SSR (radio dès les années vingt, TV dès les années 1950) soient totalement et gratuitement mises en ligne. Et que les écoles puissent les utiliser, les mettre en contexte, en perspective. On ne laisse pas dormir un tel trésor!
Mise en appétit citoyen
Avant tout, il faut que l’Ecole de la République se pénètre bien de sa mission de mise en appétit citoyen. Elle n’est pas là pour regarder passer les trains, ni pour se réfugier dans une tour d’ivoire. Elle est une part très importante de la vie citoyenne, tout court. La formation, à Genève, est maintenant obligatoire jusqu’à 18 ans. Eh bien formons des citoyens, c’est essentiel!