Un Palais fédéral au petit matin, avec encore les lumières de la nuit, la magie de la vieille ville de Berne, la beauté dorée de la pierre, la ruche des antichambres. C’était, mercredi 5 décembre, le décor de contes de fées de la double élection au Conseil fédéral, suite aux départs de Doris Leuthard et Johann Schneider-Ammann. Ces liturgies électorales de décembre, j’en ai couvertes de nombreuses, à l’époque, pour la RSR, dans la totale excitation du direct. Mais c’était de la radio: le miracle venait du mélange des voix, et du savoir-faire narratif à travers un micro. La télévision, elle, nous amène la chaleur d’une mise en scène, l’immédiateté de l’image. En cela, quelle que soit la distance prise par ses journalistes, elle fonctionne comme outil au service du système. Quel système? Mais le parlement lui-même, en tant qu’institution! A travers lui, la démocratie représentative.
Au matin de ce 5 décembre, qu’avons-nous vu? Vingt-cinq ans après le psychodrame de la non-élection de Christiane Brunner, quinze ans après la non-réélection de Ruth Metzler, onze ans après celle de Christoph Blocher, nous eûmes droit à la plus parfaite des félicités. Sur le résultat, je n’ai rien à dire: le parlement a élu, à mes yeux, avec la PLR saint-galloise Karin Keller-Sutter et la PDC valaisanne Viola Amherd, les meilleures personnes. Mieux: il a élu chacune d’entre elles au premier tour! Tout cela, avant 10 heures du matin, était liquidé. Du bon boulot, réglé, comme du papier à musique.
Se refaire une beauté
Et c’était exactement cela, le signal que le parlement voulait donner. Ce pouvoir législatif fédéral 2015-2019, qui a tant piétiné sur les dossiers majeurs qui doivent façonner le destin du pays (assurances sociales, LAMal, Suisse-Europe), quand il n’a pas carrément tronqué la volonté populaire (application de l’initiative du 9 février 2014 sur l’immigration de masse), avait un sérieux besoin, en termes d’images, de se refaire une beauté. L’élection du 5 décembre lui a donné cette occasion. Elle tombait à point nommé, à moins d’un an (20 octobre 2019) des élections fédérales!
Oui, la sainte messe matinale de la double élection au Conseil fédéral fut une opération destinée à redorer le blason d’un parlement qui, sur le fond de son travail, n’a pas particulièrement marqué des points pendant cette législature. Oui, au matin du 5 décembre, pendant deux heures, il a fait du bon boulot: non, cela ne doit pas oblitérer la qualité discutable de son travail, sur le fond, ces dernières années.
Démocratie directe
Mes propos jettent un froid? Eh bien, jetons! Et disons les choses comme elles sont: la bonne vieille démocratie représentative suisse, qui vécut ce 5 décembre sa grande féerie de fin d’automne, efficace mais crépusculaire, n’est peut-être pas l’institution qui représente le plus l’avenir de la Suisse. Il en existe une autre, férocement concurrentielle, surgie des profondeurs telluriques de notre peuple: elle s’appelle la démocratie directe.