Autour de l’an 2000, un peu avant, un peu après, on ne parlait plus que mondialisation, ouverture des frontières, libre échange intégral, fin des nations au profit d’une structure continentale, tiens par exemple l’Union européenne. Nous étions quelques-uns à résister à cette mode intellectuelle, on nous riait au nez, on nous traitait de ringards. Pour ma part, j’ai toujours, toute ma vie, à tort ou à raison, prôné le primat des entités nationales, et en économie un certain protectionnisme, notamment pour l’agriculture. Ce qui ne signifie ni fermeture des frontières, ni fin des échanges, encore moins rejet de l’autre. Simplement, je crois aux souverainetés nationales. C’est dire si ma position, il y a encore dix ou quinze ans, était minoritaire.
Préférence nationale
Mais les choses ont changé. En Suisse, le sentiment de préférence nationale, notamment en matière d’emploi, a fait son chemin. Idem à Genève, depuis 2005, avec celui de préférence cantonale. Très seul au milieu de mes pairs, j’adhère à ces principes. Je vous prie de n’y voir aucune espèce de xénophobie. Simplement, j’estime que les communautés humaines, les entités citoyennes à l’intérieur d’un périmètre (un canton, une nation), doivent commencer par s’occuper d’elles-mêmes. Elles en ont non seulement le droit, mais le devoir. D’où mon adhésion, dans les grandes lignes, à ce concept de «préférence cantonale» avancé par un certain parti, depuis onze ans. Cela ne fait pas de moi un membre de ce parti, je ne suis d’aucun, mais sur ce point, je partage ses analyses. Je ne partage pas ses ruades, ni ses foucades, ni le style de certains de ses chefs. Mais la préférence, oui.
Prise de conscience
Cette préférence cantonale, où en est-elle? C’est simple: elle est en train de gagner la bataille des esprits! Les mêmes qui, en 2005, prenaient de très haut les partisans de ce principe, y ont, pour la plupart, adhéré. Des directives, pour le Grand Etat (régies), le Petit Etat (fonction publique), ont, au fil du temps, été édictées, recommandant l’engagement de résidents, ou tout au moins une collaboration avec l’Office de l’emploi. Pour le privé, c’est évidemment plus complexe: on ne peut contraindre, mais encourager. Faut-il mettre sur l’application de ce principe la légère baisse, en avril 2016, du nombre de chômeurs à Genève? Il est trop tôt pour le dire. Mais on sent, chez le ministre, Mauro Poggia, une détermination. De même, et c’est réjouissant, chez son collègue Pierre Maudet. Le ministre de l’Economie a pris au sérieux le manque d’inspecteurs du travail, et la nécessité d’une vraie lutte, à Genève, contre la sous-enchère. Il reste tout à faire, mais une impulsion est donnée, et elle a été récemment rappelée. Rien de cela n’aurait été possible si le concept de préférence cantonale n’avait été lancé il y un peu plus d’une décennie. Et si des forces politiques ne s’étaient battues pour l’imposer. Ceux qui, il y a onze ans, ne songeaient qu’à tourner au ridicule les partisans de la préférence, ne pourraient-ils pas avoir l’honnêteté de leur reconnaître, aujourd’hui, cette victoire?