La Suisse et le nucléaire: une longue histoire! Complexe, riche de combats, avec certains moments dantesques, une période de moratoire (les années 1990), de constants affrontements entre partisans et opposants, d’interminables querelles d’experts, chacun brandissant sa foi, son dogme, son credo, ses chiffres, celui d’en face les démolissant tour à tour. Dialogues de sourds, sur fond d’Apocalypse! Je suis journaliste depuis plus de trente ans, j’ai vécu tout ça, à Berne notamment, toutes ces passions, il me faudrait un livre entier pour les raconter. Cette grande querelle fait partie de notre Histoire politique. Reste à savoir, maintenant, et c’est l’enjeu de la votation fédérale du 27 novembre, si nous voulons en tourner, une fois pour toutes, la page.
Adieu nucléaire suisse
L’initiative Sortir du nucléaire, proposée par les Verts (qui renouent avec l’exercice, si salutaire, de la démocratie directe), demande qu’on tire la prise des centrales suisses après 45 ans d’activité. Un rapide calcul nous montre qu’on devrait renoncer à Beznau 1 (plus vieille centrale au monde encore en activité) en 2017, mais aussi Beznau 2 et Mühleberg, puis Gösgen en 2024, et Leibstadt en 2029. Donc, d’ici treize ans, adieu au nucléaire en Suisse.
Beaucoup trop tôt
Sur le principe d’une prise de congé avec ce type d’énergie, l’opinion publique a évolué en faveur d’un oui. Le drame de Fukushima (2011) n’y est évidemment pas étranger. La querelle, bel et bien, porte donc sur le calendrier de sortie. Pour les opposants à l’initiative des Verts, 2029, c’est beaucoup trop tôt, il faut se donner le temps de mettre en place de vraies énergies renouvelables. On pense aux éoliennes, mais aussi à l’énergie hydraulique (à laquelle notre pays est naturellement voué), au photovoltaïque, entre autres exemples. Les partisans d’une sortie rapide demandent qu’on mette le paquet sur la recherche, dans ces énergies du futur. Y compris en matière financière.
Une majorité
Reste que le renouvelable ne couvre pas les besoins assumés aujourd’hui par le nucléaire. Les opposants stigmatisent l’achat, par la Suisse, de charbon allemand, réputé polluant, ou de nucléaire français, ce qui ne ferait que déplacer le problème. Ce qui est intéressant, dans cette campagne 2016, par rapport à d’autres que les observateurs politiques ont pu connaître ces trois dernières décennies, c’est que le principe d’une sortie du nucléaire semble acquis par une majorité, on s’échine juste sur les délais, la pertinence de telle énergie renouvelable, les coûts, les compensations pour les actuels gérants des centrales, etc.
Une étape capitale
On rappellera enfin que le Conseil fédéral, lui, propose une «Stratégie énergétique 2050», qui interdit la construction de nouvelles centrales, mais ne fixe pas de calendrier de sortie. Cette stratégie est combattue par référendum, nous serons donc appelés, là aussi, à nous prononcer. Mais chaque chose en son temps: pour l’heure, c’est l’initiative des Verts, nous votons le 27 novembre. A coup sûr, une étape capitale dans la longue et difficile Histoire de la Suisse avec le nucléaire.