Chef du recrutement des Young Boys (YB), récents champions de Suisse, Stéphane Chapuisat a accepté de parler de l’équipe de Suisse qu’il a servie à 103 reprises entre 1989 et 2004 et qui se trouve engagée une fois de plus en Coupe du monde.
GHI: L’équipe nationale vous séduit-elle?
Stéphane Chapuisat: Dans l’ensemble, j’ai vu de très bons matches lors de sa campagne pour se rendre en Russie, notamment son premier contre le Portugal (succès 2-0, Ronaldo blessé ne jouait pas). Même si, à l’exception de cet adversaire qui venait d’être sacré champion d’Europe, les autres formations du groupe n’étaient pas d’un grand calibre, on s’est montré souverain, constant au niveau des résultats avec neuf victoires et une défaite dans les éliminatoires.
– Quelles sont, selon vous, les forces de l’équipe de Suisse?
– Elle est bien organisée. Elle est performante au milieu du terrain et en défense et possède un beau mélange, organisationnel et technique. Les latéraux sont offensifs, et Shaqiri est celui qui apporte le plus de créativité. Il est au-dessus de la norme.
– En revanche, en attaque...
– Pour être une grande équipe, il faut avoir devant des individualités qui savent marquer des buts fidèlement.
– Est-ce à dire que l’équipe est toujours à la recherche d’un successeur à Alexander Frei?
– Elle était dépendante de lui, c’est vrai. Le foot a un peu changé. On joue avec un attaquant. En championnat, il y a de bons jeunes joueurs offensifs, mais avec une Super League à dix équipes, quand c’est serré, le temps de jeu qui leur est offert est moins important que lorsqu’il y avait davantage d’équipes.
– L’équipe de Suisse de la World Cup aux Etats-Unis (1994, Roy Hodgson en était le sélectionneur) était-elle supérieure intrinsèquement, au niveau du jeu aussi, à celle d’aujourd’hui?
– On ne peut pas les comparer, même si on avait plus d’attaquants avec de la qualité. C’est générationnel. A cette époque il y avait 12 équipes en LNA. Pour les jeunes, c’était plus facile. Ils jouaient davantage. Ils restaient ici, au pays. Il y avait moins d’éléments étrangers dans le football suisse. En Allemagne, par exemple, il n’y avait que trois étrangers sous contrat par club. Et deux seulement pouvaient jouer. Aujourd’hui, les jeunes joueurs partent, parce que les offres sont intéressantes ailleurs, mais leur temps de jeu n’est pas du tout garanti.
– La Suisse évolue en 4-2-3-1. Qui est le 1 ou qui peut l’être?
– Par exemple, Seferovic, qui n’est pas forcément un grand finisseur, mais il bosse pour l’équipe, il fait de la place. Il est important que les troisjoueurs placés derrière lui dans le système marquent ou effectuent des passes de but. Ça en fait 4: il pourrait y avoir avec Seferovic, Dzemaili, Zuber et Shaqiri. Reste que posséder un attaquant qui marque régulièrement, c’est nécessaire et ça soulage.
– Le premier match contre le Brésil (17 juin à Rostov) est-il pour vous déjà déterminant?
– Non. Pour moi, c’est le match contre la Serbie qui le sera, pour une place en 1/8e de finales (rang 1 et 2). Cette rencontre se jouera sur l’émotionnel. Pourquoi? Parce que les Serbes sont toujours dans l’émotion. Aujourd’hui, je dirais que c’est du 50-50.
– Et celui contre le Brésil?
– Si tout va bien, si la Suisse reste bien organisée, on peut faire un point. Un succès serait un très gros bonus. Il appartiendra au Brésil de faire le jeu. Ce match promet à coup sûr. Il sera très intéressant.
– Le Costa Rica?
– Ça, c’est le match piège et il vient en dernier, avec l’obligation de le gagner et c’est valable surtout pour la Suisse. Bon, si on a fait 6 points avant, on peut voir venir. Le Costa Rica étant un adversaire à notre portée, il faut gagner ce match.
– L’équipe nationale est-elle faite pour se défendre?
– Il faut trouver un bon équilibre. Si l’adversaire est plus fort, on reculera de manière naturelle. Il faut voir quels seront nos atouts offensifs. Contre le Brésil, on n’aura pas forcément la possession du ballon. Contre la Serbie, la forme du jour décidera. Face au Costa Rica, il nous appartiendra de faire le jeu. Il y a une chose qu’il ne faut pas oublier qui jouera un très grand rôle: la forme physique du moment et mentale surtout. Elles ne sont pas les mêmes chez tout le monde.
– Vladimir Petkovic, le sélectionneur suisse, a été entraîneur des YB d’août 2008 à mai 2011. Vous le connaissez donc bien.
– Oui, c’est un entraîneur qui a une ligne de conduite et des principes. Il s’y tient. En Russie, il y aura 17 joueurs qui étaient présents à l’Euro 2016. La campagne ayant été positive, il accorde donc sa confiance aux joueurs qui l’ont menée.
– Sa sélection est-elle aussi la vôtre?
(Il sourit) – Oui.
– Mais des joueurs comme Mbabu et Oberlin, par exemple, ne méritaient-ils pas d’y figurer?
– Kevin Mbabu est blessé (cheville). Mais ces joueurs, comme d’autres, seront un jour appelés. On a des footballeurs qui ont un potentiel. Le problème c’est qu’ils ont opéré un choix de carrière, se trouvent dans des équipes où ils n’ont pas beaucoup de temps de jeu. Aux YB, on a récupéré par exemple Mbabu qui était à Newcastle et Sow à Möchengladbach. Ils sont partis trop tôt. La Suisse est un tremplin. Pour la carrière, le chemin passant par la Suisse est intéressant.
– Irez-vous en Russie?
– Non, cela n’est pas prévu. J’ai du boulot ici aux YB, des recrutements sont encore à opérer. Bon, si mes pronostics s’avèrent bons, il pourrait y avoir un Suisse-Allemagne en 1/8e de finale. A Saint-Petersbourg. Pour aller là-bas, il existe un vol direct.