MONDANITÉS • Chaque année, début janvier, c’est la même chose. Pâmoison d’une certaine catégorie de journalistes, principalement les rédacteurs en chef de moins de 40 ans, les grimpaillons, les mondains, les branchés, autour du Forum économique mondial de Davos. Une institution dont on me permettra de libeller le nom en français, c’est ma langue, celle de mes lecteurs, l’une des langues nationales de mon pays. Mais chez eux, les gens du Forum, tout se passe en anglais, langue dominante, langue mondiale, langue de l’un des principaux pays impérialistes de la planète, les Etats-Unis d’Amérique. Déclarer son obédience par le choix de l’idiome, c’est le début de l’inféodation.
Les Grisons sont un canton libre dans un pays libre. Le droit de réunion, de libre association, y est total, les gens de Davos ont bien le droit d’organiser les agapes qu’ils veulent, avec les invités et les badges de sécurité qu’ils veulent. Le problème, tous les mois de janvier, c’est la singulière récurrence de cette fascination d’une partie de la presse. Ah Davos, cocktails, frissonnement d’être entre soi, excitation de frôler les grands de la planète. Faire partie du cercle! Dans un canton immortalisé par Thomas Mann, l’un des deux ou trois plus grands romanciers de langue allemande, la Montagne ne peut être que magique. Ah Davos, altitude initiatique, chair de poule, tutoiement des étoiles. Etre de ce gratin!
Vous avez remarqué? Il n’en sort jamais grand-chose. Mais ils s’y pressent quand même. Sensibles à l’état du monde? Ou plutôt, à l’éclat du mondain? Ah, Davos, luges souveraines, glissades d’archiduchesses, parquets lustrés, ça patine, ça virevolte, ça vous enivre. La planète, au cœur de votre paume. Comme un flocon qui meurt. Pour mieux renaître.