Soyons lisibles, SVP!

GRAND CONSEIL • En changeant d’avis sur le gel des embauches dans la fonction publique, le MCG donne un signal d’opacité dont il ne sortira pas gagnant. Analyse.

  • Le public, largué, ne sait plus quelle direction choisir. ISTOCK/LUCIAN3D

    Le public, largué, ne sait plus quelle direction choisir. ISTOCK/LUCIAN3D

«Nulle politique durable ne peut se fonder sur l’opacité»

Pascal Décaillet

La politique est inséparable de la clarté. Les partis ont le droit d’être de gauche ou de droite, tout ce qu’ils veulent. Mais ils ont intérêt, s’ils veulent survivre durablement, à afficher des positions lisibles, repérables, dépourvues d’ambiguïté. Prenons deux exemples: Ensemble à Gauche, on aime ou non, mais on sait à qui on a affaire; idem, de l’autre côté de l’échiquier, pour l’UDC. Les cartes sont sur la table, les enjeux sont clairs, on vote ou non pour ces partis, mais on le fait en connaissance de cause. Allez, dans les partis clairs, reconnaissons aussi au PLR et aux socialistes le mérite de la cohérence. Les uns sont de droite, les autres de gauche, ainsi va la politique depuis bientôt deux siècles, les intérêts s’opposent, et cet affrontement, parfaitement sain, constitue la sève dialectique de notre démocratie.

Revirement

Hélas, la politique genevoise manque singulièrement, ces temps, de clarté. Un exemple: le revirement du MCG dans l’affaire du gel des embauches de la fonction publique. On avait bien vu, déjà, lors du débat parlementaire de cet automne, que ce parti, où les relais des fonctionnaires (notamment policiers) sont nombreux, ne parlait pas d’une seule voix face aux mesures d’austérité. Or, le Grand Conseil pourrait être amené à défaire la loi qu’il avait lui-même votée en novembre, le MCG ayant maintenant rejoint la gauche sur ce sujet. Et cela, indépendamment du référendum qui a largement abouti (plus de vingt mille signatures). Bref, ça commence à devenir compliqué.

Incompréhension

Car il existe toujours un moment, en politique, où les responsables des partis devraient se mettre intellectuellement à la place des citoyens. Qui suis-je? Que dis-je? A qui s’adresse mon discours? Quel est mon but? Malheureusement, s’il est un milieu où cette clarté fait souvent défaut, c’est bien celui de la politique parlementaire. A force de ne devoir convaincre que 51 personnes sur 100, dans une enceinte aussi ductile que polymorphe, on prend vite, tous bords confondus, des libertés avec la cohérence, la lisibilité. Du coup, dans le grand public, plus personne n’y comprend rien. C’est dommage, parce que les élus sont au service des citoyens, et non le contraire. Dans cette affaire de gel des embauches, on aimerait comprendre, par exemple, où se situe le MCG, sur la longueur, et non au fil de revirements et de caprices. En l’état, cette compréhension fait défaut. Les pistes sont brouillées. Le public, largué. La lisibilité du parti, entamée.

Que ce parti veuille ménager son électorat dans la fonction publique, pourquoi pas? Mais alors, pourquoi ne pas avoir voté dans ce sens, dès l’automne, au Parlement? A la vérité, nulle politique durable ne peut se fonder sur l’opacité. Pour durer, il faut être clair, et tenir sa ligne stratégique contre vents et marées. C’est valable pour le MCG. Pour certains partis d’inspiration chrétienne. Ou d’autres, amateurs de petites graines et de vertes récoltes. Soyons lisibles, SVP: la clarté, la sincérité, la transparence ne peuvent faire que du bien au débat public.