Faut-il imposer un permis de conduire à tous les usagers de la route? La question est-elle indûment provocatrice? Pas dit. La soudaine multiplication des e-vélos, vélos traditionnels, trottinettes etvélos cargos qui s’enchevêtrent au trafic motorisé ne modifie pas seulement la typologie de la mobilité genevoise. Elle rend sans nul doute les déplacements – quel que soit le type de véhicule – non exempts de risques. Et la négligence coupable de quelques-uns n’est pas la seule en cause. La méconnaissance des règles de circulation participe aussi à l’accidentogénéité de la chaussée. C’est ce qu’affirme Marionna Schlatter, présidente de Mobilité piétonne Suisse. «Beaucoup de détenteurs de trottinettes électriques ne savent pas, par exemple, qu'ils ne sont pas autorisés à rouler sur les trottoirs. Ou encore qu'ils peuvent faire l’objet d’un retrait de permis s'ils utilisent une trottinette électrique alors qu’ils sont en état d'ébriété». Un avis que partage le Touring Club Suisse (TCS). «En Suisse, 75% des accidents sont dus à des usagers de la route qui ne respectent pas les règles de circulation ou qui commettent des infractions par inadvertance ou distraction», relève le porte-parole, Massimo Gonnella.
Une formation continue
Marionna Schlatter, préconise donc «la mise en place d’une formation continue pour tous les conducteurs». Mais ce n’est pas tout, la conseillère nationale verte juge que les infractions commises par les e-trottinetteurs et les cyclistes ne sont souvent pas sanctionnées. Et pourtant, il ne se passe pas une semaine sans que les agents de la police routière effectuent une opération de contrôle et/ou de sensibilisation. Comme l’explique Patrick Puhl, chef de l’unité routière de la gendarmerie de Genève: «Nous nous déployons sur les axes pénétrants, aux carrefours, sur la Voie verte, itinéraire dédié à la mobilité douce et reliant Genève à la France voisine». Depuis janvier 2023, sur 1093 infractions enregistrées par les forces de l’ordre, 250 ont été commises par des cyclomotoristes, 497 par des cyclistes, 226 par des e-bikers (25 et 45 km/h) et 120 par des utilisateurs de trottinettes électriques. Reste que verbaliser les contrevenants est dans ce domaine complexe. «C’est une affaire de proportionnalité. Imaginez qu’un cycliste brûle un feu et que des policiers de la brigade en soient témoins. Doivent-ils engager une course-poursuite et mettre ainsi en danger l’auteur de l’infraction en même temps que les personnes présentes alentour?», reprend Patrick Puhl. Président de la section genevoise de Pro-vélo, Olivier Gurtner, explique pour sa part que face à la flambée des cyclistes – leur nombre a doublé en dix ans – il faut miser sur l’encadrement et la sensibilisation aux règles de circulation. «Notre association intervient auprès des écoles et des entreprises pour localiser les parcours sécurisés». Une action d’autant plus pertinente que, selon lui, beaucoup d’adeptes de la mobilité douce, parmi lesquels une majorité de femmes, y renoncent par peur d’être victimes d’un accident.
Caroline Marti ne nie pas l’inconséquence dont font preuve certains usagers de la chaussée, toutes catégories confondues. Mais la présidente de l’Association Transport et Environnement (ATE) Genève pointe aussi du doigt les infrastructures. Si le Canton a accéléré la mise en place de zones dédiées à la mobilité soft, leur accès manque de clarté. «Au Jardin anglais, le flux des piétons chevauche celui des cyclistes. En d’autres points de la Ville, les axes cyclistes sont saturés.» Alors? «Pour augmenter le réseau dédié aux vélos et e-vélos, il faut que les itinéraires soient aménagés sur l’espace routier et non sur celui affecté aux piétons.»
En attendant, les autorités ne restent pas les bras croisés. «Plusieurs nouvelles infrastructures seront mises en service au cours de la législature 2023-2028 qui développeront l'offre précise Sébastien Deshusses, responsable de l’information et de la communication à l’Office cantonal des transports. D’ici 2030, 175 km à l’usage des cycles légers ou e-cycles s’ajouteront à l’offre existante.
Identifier les bonnes pistes
«L'amélioration globale des déplacements dans le canton doit toutefois passer par la recherche de consensus quant à l'organisation des flux. En même temps que la population doit être accompagnée vers les changements de comportements modaux imposés par l'accroissement démographique de la région, l'urgence climatique, l'amélioration de la qualité de vie et l’attractivité de Genève», souligne encore Sébastien Deshusses.
C’est donc pour relever un défi placé au cœur des politiques publiques que le Département de la santé et des mobilités (DSM) organise le 1er septembre les Etats généraux des mobilités. Ils rassembleront tous les acteurs de la région et devraient traiter de la sensibilisation au respect des règles de circulation des différents usagers du domaine public.