«Czesc! Ciao! Holà! Salut!» En traversant le campement du cirque Knie, où vivent les artistes et collaborateurs, la première chose qui frappe c’est la langue. Ici, une vingtaine de nationalités se côtoient pendant près de dix mois. Et, miracle: tout le monde semble se comprendre. «Il faut être un minimum sociable et aimer les gens. Nous sommes comme une grande famille», résume Gogo, assistante personnelle de la famille Knie, avec qui nous partageons le repas de midi. «Ce n’est pas fait pour tout le monde», confirme son voisin de table. «Mais si on aime les gens et le voyage, alors c’est la meilleure vie possible.»
Y compris Bastian Baker
En sus des artistes, cuisiniers, artistes, techniciens, chef d’orchestre, musiciens, chauffeurs et même une enseignante… Environ 150 personnes partagent cette vie de saltimbanque, dont le présentateur vedette, le chanteur Bastian Baker. Le camp compte 75 caravanes. Alors que certains artistes font le choix de venir avec leurs propres caravanes, d’autres vivent dans des roulottes collectives. Avec toutes ces cultures et origines différentes, une règle élémentaire s’applique: «Ici on ne parle jamais de religion et de politique. Résultat: tout se passe bien!», s’amuse Gogo.
Aux fourneaux, un duo propose des menus variés, préparés dans une roulotte spécialement aménagée en cuisine. Parmi eux, Tomek, d’origine polonaise, qui travaille auprès du cirque depuis près de vingt ans. «J’aime cette vie. Sinon je ne serais pas resté aussi longtemps», lance-t-il en servant la soupe. Au menu également: escalopes, pommes de terre et choux-fleurs. Présent dans le réfectoire, Nik, un as du trampoline, a choisi le menu marocain. «Je ne mange pas toujours à la cantine, car j’aime beaucoup cuisiner. Et puis aller faire les courses me permet de sortir et de visiter les alentours de la Plaine», explique l’artiste canadien.
Le centre-ville a la cote auprès des collaborateurs du cirque. Dans les allées de ce qui s’apparente à un véritable village itinérant, on aperçoit de nombreux vélos. Ils permettent à ses habitants de se déplacer et de découvrir les lieux. «Lorsqu’il n’y a pas de représentations, nous en profitons pour visiter des musées ou aller se baigner dans le lac, précise Fred, pilote de motocross du show. Pour moi c’est idéal, il y a aussi le skate-park juste à côté où je peux faire du BMX.»
Depuis près de deux ans, le voltigeur suit le cirque Knie avec sa femme Stéphanie et leur enfant Evan. Originaire de la région de Besançon, la famille rentre chez elle une fois par an, entre janvier et mars, lorsque les spectacles s’interrompent. «Nous apprécions tout particulièrement Genève car c’est la première ville francophone de notre tournée», raconte la petite famille qui dit privilégier l’anglais à l’intérieur du camp. Enseignante dans une vie antérieure, Stéphanie travaille aujourd’hui à la billetterie. Quant à Evan, 7 ans, il est scolarisé dans l’école du cirque, qui accueille actuellement trois enfants. «C’est quasiment comme des cours particuliers. Quelle chance!», se réjouit sa maman.
Expériences inoubliables
Y a-t-il un bémol dans cette vie de rêve? Le bruit de la route! La Plaine est en effet entourée d’axes importants. «On s’habitue et ça ne dure pas très longtemps. Après, nous sommes dans des endroits beaucoup plus calmes», relativise Tomek. «C’est justement le changement qui nous plaît», acquiesce Ivan Knie, 21 ans, digne représentant de la 8e génération de la dynastie Knie. «Après Genève, nous passons par les cantons de Vaud et du Valais. A chaque fois, le cadre est différent. A chaque fois, ce sont des expériences inoubliables avec de nombreuses rencontres», souligne celui qui est également dresseur de chevaux.
On en profite pour lui demander le secret de la longévité de l’aventure Knie. «Ma famille a toujours laissé une grande liberté aux nouvelles générations. Si j’avais voulu faire autre chose, elle ne m’en aurait pas voulu. Mais, j’aime profondément ce travail et la vie sur le camp. Ici, quand quelqu’un en a besoin, on l’aide. Tout le monde se connaît et on partage de beaux moments ensemble. Je ne changerais de vie pour rien au monde», conclut le jeune homme. Ni Nik, ni Tomek ne diront le contraire.