Dix ans de combat pour un passage piéton

MOBILITÉ • Un riverain remue ciel et terre pour qu’un tronçon dangereux de la route de Meyrin soit sécurisé. Pour l’heure, les autorités se renvoient la balle.

  • Les autorités assurent que le problème pourrait être réglé en 2030. TR

«A chaque fois que je dois traverser ici, c’est une épreuve pour moi qui marche lentement. La voiture va-t-elle me voir à temps si je m’engage? Souvent, j’attends de nombreuses minutes avant qu’un automobiliste s’arrête», s’énerve Ernest, 89 ans, habitant dans le quartier de l’Etang, à Vernier. A l’origine de sa colère, le refus des autorités d’aménager un passage piéton sur la route de Meyrin au niveau de la bretelle d’entrée d’autoroute en direction de la France, un carrefour qu’il emprunte à pied pour aller faire les courses. Problème: ici, le trottoir s’interrompt subitement, laissant les piétons se débrouiller seuls. La peur dans les yeux, Ernest nous fait une démonstration en levant sa canne pour signaler son intention de traverser. «Le jour où un accident se produira, qui sera responsable?», interroge le retraité.

Pas sécuritaire?

C’est un combat de longue haleine, puisque cela fait près de dix ans qu’Ernest écrit chaque année aux autorités pour réclamer du changement. En 2014 déjà, il rédigeait un premier courrier demandant au Canton d’étudier les moyens de sécuriser ce tronçon, parmi lesquels la possibilité de marquer le passage et d’installer des feux pour piétons. Réponse de la direction générale des transports en date du 25 mars 2014: «Le problème que vous soulevez est réel et connu de nos services. Nous travaillons actuellement à l’amélioration de cet itinéraire». En exprimant toutefois certaines réserves. «Procéder au simple marquage de passages pour piétons serait certes rapide et bon marché mais certainement pas sécuritaire. En effet, les véhicules tournant à droite pour accéder à l’autoroute n’ont pas de présélection et bloqueraient la voie du «tout droit» sur la route de Meyrin», détaille un ingénieur. Une réponse qui fait bondir Ernest. «Ils affirment qu’un simple marquage de passage pour piétons n’est pas sécuritaire. Et pourtant, il en existe des centaines. Autrement dit, ceux-ci ne servent à rien!».

Ces doutes conduisent l’octogénaire à contacter l’Office fédéral des routes (Ofrou) pour demander du soutien. Là aussi, on reconnaît l’existence d’une «problématique». Et surtout, on lui assure que les travaux de sécurisation se feront en 2015. Mais, deux ans plus tard, toujours rien. Ainsi, en janvier 2017, Ernest écrit à nouveau à l’Ofrou pour prendre des nouvelles.

Projet complet envoyé à Berne

On informe alors le retraité que les travaux ont dû être interrompus pendant la saison hivernale. Pourtant l’année suivante, toujours rien. Puis surprise! Dans un courrier du 10 janvier 2018, l’Office fédéral des routes renvoie la balle au Canton. La même année, le Canton confirme que l’Office cantonal des transports (OCT) «dispose d’un projet complet qui sera envoyé à l’Ofrou à Berne pour validation en janvier-février 2019.»

Mais, comme par le passé, ces promesses n’ont pas été suivies d’effets. Sollicité une nouvelle fois par Ernest en 2020, le Canton se justifie. «L’Ofrou a refusé ce projet principalement pour une raison de risques de conflit avec la signalisation de contrôle d’accès à l’autoroute», écrit l’autorité. Et d’informer le citoyen mécontent que ce problème pourrait être résolu avec l’élargissement de l’autoroute qui prévoit des modifications sur cette bretelle. «L’horizon de réalisation de ce projet se situe vers 2030», écrit l’OCT.

De quoi désespérer Ernest, fatigué de se faire balader. «C’est un comble, l’Ofrou a participé à l’élaboration d’un projet, a déjà sécurisé la sortie d’autoroute mais refuse d’en sécuriser l’entrée. Pourtant, rien n’empêche au moins un marquage au sol et la pose d’un écriteau pour passage piéton», juge-t-il.

Contacté, l’OCT se décharge de toute responsabilité. «Le Canton ne peut intervenir que sur un domaine dont il est le propriétaire, ce qui n’est pas le cas de ce tronçon», explique Karen Troll, porte-parole au Département des infrastructures. Et de préciser: «Dans ce cas, la sécurité des usagers ne serait garantie qu’avec un dispositif de signalisation lumineuse. Mais celui-ci a été refusé par l’Ofrou car il entrait en conflit avec le système de fermeture de cette bretelle.»

De son côté, l’Office fédéral des routes informe qu’une étude est en cours. «Nous ne pouvons malheureusement pas vous donner plus de détails avant d’avoir ces résultats», conclut l’autorité fédérale.

En attendant, Ernest est condamné à continuer de traverser à ses risques et périls.