La maison de l’Arc aux Allières, la Gradeline à Cologny, ou encore la Villa Scriabine à Collonge-Bellerive: depuis sa fondation en mars 2019, l’association SOS Patrimoine CEG (contre l’enlaidissement de Genève), est de tous les combats en faveur du patrimoine du canton. Son credo: protéger coûte que coûte les bâtiments existants et arrêter de couper des arbres. Une vision partagée par d’autres associations et qui s’oppose à celle des autorités (lire ci-dessous), qui n’ont jamais autant construit à Genève qu’aujourd’hui. Entretien.
GHI: Vous vous opposez presque systématiquement aux destructions de maisons et d’immeubles à Genève, même quand c’est pour faire des nouveaux logements. Pourquoi?
Milène Rossi: Il y a largement suffisamment de bâtiments dans notre canton, qu’il s’agisse de logements vides ou de surfaces commerciales. Mais, on continue de construire du neuf au lieu de valoriser l’existant. C’est un non-sens complet de la part des décideurs.
Miguel Bueno: Notre association estime qu’il faut immédiatement arrêter de construire tout nouveau bâtiment. Aujourd’hui, c’est la vision néolibérale qui l’emporte. Nous sommes face à un dogme, celui de la croissance infinie. Résultat: on entasse toujours plus les habitants, dans ce qu’on appelle des «cages à poules». D’autant que seuls 17% des logements sont destinés à la classe moyenne.
– Autre grand combat de votre association: la défense des arbres contre le béton. Selon vous, on coupe trop? M.R.: Absolument. Nous sommes en faveur d’un moratoire total sur cette question. En attendant, plus aucun arbre ne devrait être coupé dans le canton, même ceux qui sont considérés comme malades par le Service des espaces verts. Ils devraient être soignés à la place. D’après Ernst Zürcher, chercheur à l’EPFL et l’EPFZ, le taux de remplacement d’un arbre se mesure au nombre de ses feuilles. Pour compenser un arbre bien développé, d’environ 400’000 feuilles, il faudrait planter 2000 à 3000 jeunes arbres (de 1,50 mètre) alors qu’aujourd’hui on n’en plante que 3!
– Mais, si on arrête de construire des logements, où iront vivre les nouveaux habitants?
M.B.: On prend le peuple en otage avec cette question. Il suffit de regarder la situation actuelle: nous n’avons jamais autant construit pourtant les logements disponibles se font toujours plus rares. Les autorités veulent faire de Genève une mégalopole en accueillant toujours plus d’entreprises dont on doit loger les employés. On ne construit pas pour les résidents! Or, ce modèle appartient au passé. Aujourd’hui nous devons faire avec ce que nous avons. Il faut des mesures d’encouragement pour utiliser les bureaux et appartements inoccupés.
M.R.: Le résultat, c’est que nous bradons notre territoire au monde entier. Parce que soi-disant Genève devrait être attractive et continuer de se développer, nos élus acceptent des projets toujours plus démesurés. On le voit par exemple à Lancy Pont-Rouge ou avec le PAV (Praille Acacias Vernets). Notre association défend le principe d’une ville à taille humaine. Pour cela il faut fixer une limite.
– Vous défendez un changement radical en matière d’urbanisme. La vision que vous prônez est loin d’être partagée par nos autorités. Vous y croyez tout de même?
M.B.: Bien sûr qu’on y croit! Les solutions sont là, juste devant nos yeux. Nous sommes dans une démocratie, les possibilités de faire bouger les lignes existent. Par exemple, si on décide d’arrêter de détruire, cela peut se faire dès demain.
M.R: Il faut un changement idéologique et que ce ne soit plus le marché qui dicte sa propre logique. Et puis les autorités ne devraient pas hésiter à changer d’avis. Par exemple, les plans localisés de quartiers (PLQ) sont souvent inadaptés aux défis actuels: pourquoi ne pas les repenser?