La vénérable gare de Chêne-Bourg va déménager. Sur le quai d'en face! Cette charmante bâtisse sera prochainement déplacée pour faire place à la station souterraine, qui accueillera le CEVA en 2016. La petite gare, au beau rouge pivoine, évitera donc le triste sort promis à sa jumelle des Eaux-Vives, qui sera sacrifiée. Transporter un tel édifice, de 17 mètres de long, constituera un véritable défi technique. Que vont tenter de relever ces ouvriers de l'extrême.La manœuvre, appelée «ripage», s'annonce délicate. Même si ce n'est pas une première à Genève. En 2005, la salle de gym de Saint-Gervais avait dû faire son baluchon pour élargir les quais de Cornavin. Mais l'édifice n'avait été tracté que sur quelques mètres. Et pas sur trente-trois comme à Chêne!
Sous perfusion
Sur place, les travaux préparatoires ont déjà commencé. Cette gare de deux étages, qui abritait une brocante, a ainsi été mise sous perfusion, avant que ne débute l'opération salvatrice, programmée fin juillet. Après avoir ôté les rails, l'équipe a commencé à creuser tout autour du bâtiment, au niveau des fondations. Puis elle y coulera une dalle de béton, afin de stabiliser le terrain. C'est indispensable. Car la vieille dame est fragile. Songez, elle trône là depuis le 1er juin 1888, date de la mise en service de la ligne entre les Eaux-Vives et Annemasse. Alors, il faut y aller mollo. Pour éviter qu'elle ne tombe en morceaux pendant sa migration, ses murs et son plancher seront renforcés pour la consolider.Comment se déroulera l'opération? «La gare sera, dans un premier temps, équipée de rails en forme de H forés dans les fondations, puis soulevée du sol, explique Caroline Monod, porte-parole du CEVA. Cela permettra de la déplacer avec l'aide d'un treuil qui la tirera en douceur. Le ripage en lui-même durera une journée, avant qu'elle ne rejoigne son havre de paix.» Coût de l'opération: 1,3 million de francs.
Gare-fantôme
«C'est louable de conserver ce lieu de mémoire mais pour en faire quoi. une gare-fantôme?», s'interrogent quelques habitants, perplexes, en contemplant le chantier. «Les CFF projettent de construire massivement dans la zone. En sauvant cette gare, ils comptent s'attirer les suffrages de l'opinion. C'est un coup de pub», relèvent deux étudiants. Et de nous montrer le terrain de l'ancien mini-golf, situé à deux pas de là, sur lequel pousse déjà un nouvel immeuble, des CFF bien sûr.L'arrivée du CEVA offre, il est vrai, un potentiel de développement autour de cette gare, dont les CFF et l'Etat veulent profiter, pour construire plus de 300 logements. Et ce, dans ce périmètre déjà fortement urbanisé. Un projet auquel la plus petite commune de Suisse ne souscrit guère. Chêne-Bourg a ainsi refusé d'entériner le plan localisé de quartier, en septembre dernier. La gare, elle, est sauvée. Mais la vieille dame ne verra plus passer de michelines devant ses fenêtres. Juste des pelles-mécaniques…