Examens: un logiciel espion inquiète des étudiants

Des centaines d’élèves protestent dans une lettre adressée au rectorat. Ce dernier calme le jeu.

  • Les étudiants de la GSEM craignent pour la protection de leurs données. PHOTO PRéTEXTE 123RF

    Les étudiants de la GSEM craignent pour la protection de leurs données. PHOTO PRÉTEXTE 123RF

C’est un logiciel appelé Testwe. Mais, aux yeux de Benjamin Aebi, c’est tout simplement Big Brother. Depuis vendredi 24 avril, cet étudiant en relations internationales ne décolère pas. En cause: les nouvelles modalités pour les examens écrits à distance de la session de mai-juin à la Geneva School of Economics and Management (GSEM). La faculté d’économie et de management de l’Université de Genève a décidé de passer de la plateforme Moodle à Testwe. «L’apparition d’un programme de surveillance sur les ordinateurs personnels, avec prise de photo à intervalle régulier, a fait bondir plusieurs d’entre nous de leur chaise», résume Benjamin Aebi.

Photos en série

Le candidat commence par se faire prendre en photo avec sa carte d’étudiant ou d’identité, pour vérifier qu’il s’agit de la bonne personne. Puis, des photos sont prises à intervalles réguliers, à l’insu de l’étudiant, pendant tout l’examen. Le logiciel bloque aussi toutes les autres fonctionnalités de l’ordinateur.

Selon Benjamin Aebi, ce système pose de multiples questions: «Accepter un programme extérieur qui prend possession de la machine oblige à renoncer en partie à la protection des données sensibles». De plus, quid de la protection de la vie privée et des données personnelles? Où seront stockées toutes ces photos? «On en a aucune idée», proteste l’étudiant.

«Intrusion hallucinante»

Réagissant à une publication indignée du journaliste Grégoire Barbey sur Twitter, Alexis Roussel, spécialiste de ces questions, dénonce «une intrusion hallucinante dans la vie privée».

Alerté, le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence, Stéphane Werly, réagit: «A ce stade, notre autorité a demandé des éclaircissements, car l’utilisation de ce logiciel pose à première vue de nombreux problèmes.» Il se dit particulièrement inquiet de la prise de photos sans que l’étudiant soit prévenu, «ce qui est contraire au principe de la bonne foi». Lui et sa collègue ont contacté la responsable LIPAD (Loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles) de l’Université. Le préposé se réserve la possibilité de rédiger une recommandation s’opposant à l’utilisation de ce logiciel.

Pétition lancée

De son côté, Benjamin Aebi a lancé samedi 25 avril une pétition demandant à la GSEM de faire machine arrière. Elle a recueilli 360 signatures. Face à cette levée de bouclier, l’Université annonce qu’elle va «réévaluer d’ici la fin de la semaine, l’utilisation de cet outil». Son porte-parole, Marco Cattaneo, précise que «seule une vingtaine d’examens sur plusieurs milliers sont concernés». Et de souligner que «toute la gestion de la crise s’est faite sur la base de la relation de confiance entre l’institution et ses étudiants», à l’image du plan de soutien de 2 millions de francs visant à assister ceux qui sont en difficulté.