Des parois de plexiglas équipent désormais les parloirs. Et les tables ont été éloignées les unes des autres. C’est l’une des mesures visibles de l’impact de la crise du Covid-19. Dans les établissements pénitentiaires du canton, milieu confiné et surpeuplé dans le cas de Champ-Dollon, il a fallu s’adapter. Selon Laurent Forestier, porte-parole de l’Office cantonal de la détention, «le but est de prendre les décisions qui s’imposent pour limiter la propagation du virus, sans pour autant imposer de mesures superflues qui péjoreraient inutilement la vie du détenu».
Finis les jeux de balle
C’est ainsi que les promenades mais aussi le sport, à l’exception des jeux de balle, ont été maintenus. «Les offices religieux ont été supprimés en présentiel mais sont diffusés sur un canal spécifique à la télévision», poursuit le porte-parole.
L’ensemble du protocole des visites a été modifié. En plus du plexiglas, pour tout visiteur (famille comme avocat) le lavage des mains est obligatoire tout comme la prise de température. Un masque est aussi fourni. Les détenus peuvent aussi bénéficier de parloirs avec leurs proches via vidéoconférence. Ce système, développé à la base pour les détenus dont la famille est à l’étranger, s’est avéré fort efficace.
Quant au nouveau détenu ou prévenu, il passe dix jours en observation dans un secteur confiné, «le temps de voir s’il développe des symptômes», souligne Laurent Forestier.
Autre adaptation majeure: les avocats ont désormais la possibilité de téléphoner à leurs clients détenus. «Cette pratique fonctionne à merveille et je suis plus en contact avec mes clients qu’auparavant», souligne Me Saskia Ditisheim.
Un enthousiasme que partage Me Robert Assaël: «Ce système mériterait de perdurer après la crise, même s’il est essentiel toutefois de continuer à aller voir nos clients, car pour la majorité des détenus, enfermés vingt-trois heures sur vingt-quatre en cellule, cela représente une respiration et le seul contact avec l’extérieur.»
Moins de détenus
La crise sanitaire a eu un autre effet non négligeable: la baisse du nombre de détenus. Champ-Dollon est ainsi passé de 630 détenus avant la crise à un peu moins de 500 aujourd’hui. Pourquoi? «Il y a eu moins de cambriolages, car les gens étaient confinés chez eux et moins d’actes violents liés à l’alcool, les restaurants et bars étant fermés», avance le pénaliste Me Robert Assaël. Mais ce n’est pas la seule explication selon lui. «Il y a aussi eu une décision de politique criminelle de moins arrêter. C’est donc possible! La surpopulation carcérale en est fortement réduite. Pourvu que ça dure, au-delà de la pandémie!»
Au nom du Ministère public, Patrick Becker confirme que «les arrestations par la police ont été moins nombreuses. Pour le reste, c’est surtout le report de l’exécution de certaines peines qui a conduit à la baisse de l’effectif des détenus. Le rattrapage risque bien d’être fastidieux.» En revanche, il précise que «les critères légaux présidant à la détention provisoire sont très stricts et que leur application n’a pas été modifiée avec la pandémie». Ce que déplore Me Yaël Hayat. «A mes yeux, le risque du Covid en tant que tel peut à certaines conditions justifier une mise en liberté. C’est le cas d’ailleurs dans d’autres régions du monde et de la Suisse.» Et la pénaliste d’argumenter: «Avec la surpopulation, respecter en cellule les distances prescrites, ce n’est pas réalisable. Or, pourquoi la population carcérale n’aurait-elle pas le droit au respect des normes sanitaires édictées par la Confédération?»
Depuis le début de la pandémie, il n’y a eu qu’un seul cas déclaré de Covid-19 positif à Champ-Dollon. Pour plus d’informations sur ce sujet, lisez l’article concernant l’impact du Covid-19 sur l’activité judiciaire, paru vendredi 7 mai sur www.ghi.ch