Dans la boutique de souvenirs, ronronne le coucou. Derrière sa caisse, ronchonne le patron. La cause: un énième client ressort du Comptoir des Alpes les mains vides. Pas même un petit magnet à 4 francs. «C’est comme au musée. Les gens entrent, regardent et repartent sans rien acheter, grogne le responsable, Haiman Sorchi. L’année est particulièrement mauvaise.»
Même son de cloche rue de Chantepoulet. La patronne du Consul, Fatima Lambert-Nadi, désespère: «L’été a été catastrophique. Il n’y a pas beaucoup de touristes et rien n’est fait pour les attirer.» Selon ses calculs, ses ventes ont chuté de plus de 60% pour le seul jour du grand feu d’artifice, le 10 août, par rapport aux années précédentes.
Une baisse que constate aussi Eric Affolter, propriétaire de deux magasins de souvenirs, rue du Mont-Blanc. «Je suis là depuis vingt-trois ans et mon chiffre d’affaires diminue depuis 2016. La hausse du franc, notamment, dissuade la clientèle européenne. Et, la vente en ligne a aussi un impact.»
Et quand une vente a lieu, les articles à petits prix sont privilégiés: magnets, porte-clés. Lina Silva, vendeuse à Swiss Tradition, commente: «Aujourd’hui, les touristes essaient de faire le plus de cadeaux possible avec 100 francs. Ils cherchent tous les prix discount, les offres...»
Concurrence des grands
Du coup, même si le nombre de magasins de souvenirs a diminué ces vingt dernières années, selon ceux qui sont encore en place, il n’y a pas plus de travail pour autant. Aussi parce que la concurrence a pris de nouvelles formes. La bête noire des spécialistes du souvenir, ce sont les grands magasins. Comme l’explique Fatima Lambert-Nadi: «Ils font toujours des actions sur le chocolat. Résultat, je travaille mieux les dimanches, les soirs et les jours fériés. Quand ils sont fermés.»
«Concurrence déloyale»
Eric Affolter est, quant à lui, remonté contre Genève Tourisme. Au Tourist Information Center (TIC), à deux pas de ses boutiques, les visiteurs en mal d’informations peuvent aussi trouver un magnet, une casquette, une vache en bois. De quoi faire monter les tours au patron de l’Helvetic Corner. «Je paie 1500 francs de taxe de base par an et par magasin. Qui arrive dans les caisses de Genève Tourisme. Et en plus, ils vendent des souvenirs! C’est une concurrence déloyale.»
Il y a un an, Eric Affolter a tiré la sonnette d’alarme, écrivant à la commission de la concurrence, au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) et même au conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann. Il a finalement rencontré Genève Tourisme. Qui, en réponse, a diminué son espace de ventes. Comme l’explique la porte-parole, Lucie Gerber: «Dans le «Pop-up Corner», on met désormais en avant un business genevois. En tant que vitrine de Genève, on a quelques objets en commun avec les magasins de souvenirs. Mais, notre but n’est pas de marcher sur leurs plates-bandes.» Des plates-bandes qui semblent se réduire d’année en année.