Les prostituées devront retourner sur les bancs d’école! Mais pas de panique, bien entendu, pas dans les classes de vos enfants… «Les nouvelles péripatéticiennes qui se déclarent à nos services devront en effet suivre des cours de sensibilisation qui porteront essentiellement sur la santé et les mesures de prévention», note Nicolas Bolle, secrétaire général adjoint au Département de la sécurité et de l’économie (DSE).
Santé, danger, loi
Mais pourquoi obliger les prostituées à suivre des cours? «Pour qu’elles connaissent leurs obligations envers leurs clients et responsables de salons et d’agence d’escorte. Mais aussi la loi genevoise sur la prostitution, les tarifs pratiqués, la prévention santé et les contrôles sanitaires ainsi que les associations susceptibles de leur venir en aide», poursuit Nicolas Bolle. Et de préciser: «Vu le nombre important de migrantes qui s’annoncent à nos services, ces cours seront dispensés chaque jour en plusieurs langues par des travailleurs sociaux et seront gratuits.»
A Genève, il est vrai, la prostitution «touristique» explose depuis ces cinq dernières années, notamment avec la crise. La plupart des nouvelles filles de joie sont des mères de famille, des étudiantes, des femmes qui choisissent le métier du sexe pour faire vivre leurs familles dans leur pays. Elles viennent principalement d’Espagne, de Hongrie, France et Roumanie. En 2016, la police recensait 10’096 prostituées. «En réalité, elles sont entre 700 et 900 à pratiquer quotidiennement poursuit Nicolas Bolle. Car beaucoup de prostituées travaillent occasionnellement parfois trois mois dans des salons et ne se radient pas forcément lorsqu’elles quittent le canton.»
Ex-prostituées profs
Aspasie, l’association pour la défense des travailleuses et des travailleurs du sexe (TdS) gérera les cours. « Nous associerons à parts égales des personnes qualifiées, santé, social, juridique des celles qui ont l’expérience du travail du sexe (ndlr: des ex-prostituées), détaille Michel Félix, porte-parole d’Aspasie. Cette éducation par les pairs est fondamentale. L’expérience professionnelle est irremplaçable pour aborder de manière crédible les ressources à disposition des TdS, comme la négociation avec les clients, stratégie pour diminuer les risques de violence ou de contagion, ficelle du métier, mais aussi aborder la question de l’usure (ndlr: exploitation des prostituées avec loyers abusifs). Et par ces cours, les TdS peuvent aider les prostituées à prendre des décisions éclairées, d’aller vers plus d’autonomie et trouver des relais médico-sociaux.» Pour leur part, des assistants sociaux prodigueront des informations sur la réorientation professionnelle et la traite des êtres humains aux fins de prostitution et SOS-Femmes, qui vient en aide aux femmes victimes de violences, pourrait développer l’aspect de la réinsertion sociale et professionnelle. Les cours seront dispensés gratuitement, ils dureront environ 1h30 par jour dans une salle neutre, sans aucune affiliation à une administration cantonale. Et qui les payera? «Si le Parlement donne son feu vert, la Commission des finances devrait déterminer comment seront répartis les frais», précise encore Aspasie. De source informée, le budget de ces cours tournerait autour des 200’000 francs pour la mise en place en 2017, et autour de 100’000 francs par année par la suite.