Manifestation controversée: gardiens menacés de punition

PRISON • Douze geôliers ont-ils failli à leur devoir en se réunissant devant Champ-Dollon pour soutenir le directeur sortant? Risque de sanctions disciplinaires.

  • Me Robert Assaël et Marc Baudat, président de l’Union du personnel du corps de police.  F. HALLER

    Me Robert Assaël et Marc Baudat, président de l’Union du personnel du corps de police. F. HALLER

«Douze gardiens de Champ-Dollon risquent une sanction disciplinaire pour avoir montré publiquement leur sympathie envers leur directeur! C’est un comble!» Marc Baudat, président de l’Union du personnel du corps de police (UPCP), ne mâche pas ses mots. Les gardiens se retrouvent dans le collimateur de leur hiérarchie, accusés d’avoir organisé une manifestation interdite devant un établissement pénitentiaire. Un treizième fonctionnaire, le représentant des agents de détention de l’UPCP, est pour sa part accusé d’avoir failli à son devoir de réserve pour avoir parlé aux médias sans autorisations.

Réunion spontanée

Le conflit entre les gardiens de Champ-Dollon et le Département de la sécurité et de l’économie (DSE) date du 4 février dernier, après l’annonce du transfert du directeur Constantin Franziskakis au DSE pour refonder la sociothérapie et lutter contre la radicalisation en prison. «Lorsque le personnel a appris ce départ subit, il a voulu montrer sa sympathie envers un excellent dirigeant», poursuit Marc Baudat. «Les agents se sont réunis au bord de la Seymaz avec des calicots mentionnant Je suis Constantin, précise-t-il. Une dizaine de députés s’est jointe au rassemblement. Nous étions une soixantaine et lorsqu’il s’est mis à pleuvoir, le groupe s’est déplacé devant l’entrée de la prison pour se mettre à l’abri.»

Un détail qui a son importance, car pour l’Office cantonal de la détention (OCD), il s’agirait d’une manifestation interdite devant un établissement pénitentiaire, qui aurait pu entraver le fonctionnement et la sécurité de la prison. «Ce qui est faux, relève Me Robert Assaël, avocat des gardiens et du syndicaliste. Il ne s’agissait pas d’une manifestation, mais d’une rencontre spontanée bon enfant, sans organisation préalable et qui ne nécessitait aucune autorisation.» Et de conclure: «C’est hallucinant et absurde de vouloir punir des gardiens qui ont seulement exprimé leur sympathie au directeur, sans aucune intention de nuire à qui que ce soit. Et c’est aussi contre-productif quand on se rappelle que c’est grâce aux gardiens que la prison n’a pas implosé au plus fort de la surpopulation!»

L’enquête disciplinaire étant en cours, le DSE ne souhaite pas faire de commentaire. Premiers éléments de réponses attendus ces prochains mois.

"ce rassemblement n'était pas politique"

Qui étaient les députés s’étant joints aux gardiens, le 4 février, devant l’entrée de Champ-Dollon? «Notre délégation avait demandé de visiter la prison, explique le député Vert Jean-Michel Bugnion. C’est donc par hasard, à la sortie de notre visite, que nous avons vu cette poignée de gardiens partageant leur solidarité envers leur directeur Constantin Franziskakis. Ils ne nous ont pas demandé de les rejoindre. Nous avons discuté avec eux et il n’y a eu aucune perturbation.» Le député insiste sur le fait que, pour lui, la réunion des gardiens n’était pas une manœuvre politique.