Une borne à incendie lui a gâché la vie

Aux Pâquis, un commerçant est au bord de la faillite suite à l’inondation de sa boutique à l’automne 2017. Deux élues lui viennent en aide.

  • Gaddafi Muhammad devant son son échoppe, entouré par Maria Pérez, du Parti du travail

    Gaddafi Muhammad devant son son échoppe, entouré par Maria Pérez, du Parti du travail (à gauche), et Alia Chaker Mangeat, du PDC (à droite). MP

Son épicerie, c’est son gagne-pain, sa fierté. Mais c’est aussi devenu l’objet de ses angoisses. Car, Gaddafi Muhammad, propriétaire de Pâquis Market, une épicerie sise rue du Môle, est aujourd’hui au bord de la faillite. «Je croule sous les dettes. Je suis en dépression», confie-t-il. La faute à une borne incendie. Le 3 octobre 2017, à 3h27, pour une raison inconnue, cette borne hydrante s’enclenche, projetant des milliers de litres d’eau contre la devanture de son commerce.

700’000 francs de pertes

Les images de la caméra de surveillance montrent qu’il faudra attendre vingt-trois minutes pour que les secours interviennent. Vingt-trois minutes durant lesquels les sols et les stocks du magasin de Gaddafi Muhammad sont inondés. Ce n’est que le lendemain matin que l’épicier découvre les dégâts. En juin 2018, il expliquait au GHI que les pertes liées à ce sinistre atteignaient 700’000 francs. Deux ans plus tard, il attend toujours d’être remboursé.

Mais par qui? Telle est la question… Car son assurance a refusé d’entrer en matière arguant qu’il ne s’agit pas d’un dégât naturel. Quant à la Ville, à laquelle appartient la bouche hydrante, elle réfute toute responsabilité (lire encadré). Deux ans et quatre mois après les faits, Gaddafi Muhammad n’est toujours pas indemnisé. «J’ai dû licencier la quasi-totalité de mes employés et je n’ai pas de liquidités pour reconstituer mon stock.»

Une profonde détresse qui a touché les conseillères municipales Maria Pérez (Parti du travail) et Alia Chaker Mangeat (PDC). Toutes deux sont venues le soutenir dans son échoppe. Leur souhait: organiser une récolte de fonds pour réunir 29’000 francs, soit le montant des frais de justice pour entamer une procédure. Le dernier espoir pour Gaddafi Muhammad qui assure qu’il «a frappé à toutes les portes».

«Soutenir les commerçants»

«C’est sûr que c’est un petit commerçant et pas une société qui fait du trading et du négoce en matière première», ironise Maria Pérez. Plus nuancée, Alia Chaker Mangeat précise: «Peu importe que la Ville soit responsable ou pas juridiquement de tout le dommage, le Conseil administratif doit soutenir les commerçants. Cet homme est quand même à deux doigts de tout perdre en raison d’une borne à incendie de la Ville!» Coup de pub pour ces deux candidates? «Si je fais de la politique, c’est pour aider les habitants de ma commune, sinon, à quoi bon», rétorque Maria Pérez. «Dans le programme du PDC, il y a le soutien aux commerces de la Ville, campagne ou pas», lance Alia Chaker Mangeat. Et le duo de se demander au passage comment la Ville est assurée (lire interview) et pour quel montant...

«La responsabilité de la Ville n’est pas engagée»

Quelle est la position de la Ville de Genève dans ce dossier? Bruno Righetti, chef de service de la centrale municipale d’achat, nous répond.
GHI: Pourquoi l’assurance de la Ville ne dédommage-t-elle pas ce commerçant?
Bruno Righetti: Elle refuse de payer au motif que la responsabilité de la Ville n’est pas engagée.
 
– Si le déclenchement de la borne est dû à l’intervention d’un tiers, pourquoi ne pas avoir porté plainte contre X?
– Car la Ville n’a subi aucun dégât nécessitant le dépôt d’une plainte. On ne peut pas porter plainte pour des dégâts causés à un tiers.
 
– Comment est assurée la Ville pour ce type de sinistre? Et pour quel montant?
– Si la responsabilité avait été engagée, l’assurance responsabilité civile de la Ville peut couvrir des dégâts jusqu’à hauteur de 10 millions de francs.
 
– Quid du montant qui ne cesse d’augmenter en cas de remboursement rétroactif? Une réserve est-elle prévue?
– C’est une question qui relève de la compétence l’assurance. Ce serait à elle d’en faire une, si elle le considère nécessaire.