«Arrêtez de traîner les gars! Il faut aller sur le terrain.» Nicolas Jordan, chef remplaçant des agents de la police municipale (APM) au poste des Eaux-Vives, tente tant bien que mal de motiver ses troupes. Il est 6 heures et les cernes sont marquées dans l'équipe. «On n'est pas tous du matin, mais tout le monde y passe trois jours par semaine, rigole-t-il. Il faut bien effectuer des rondes à ces heures-là aussi.»
Café cynique
Sans se presser, les agents prennent un café, grignotent quelques barres chocolatées et évoquent l'aventure principale de la veille: «Karim* a pété les plombs hier! Quand nous avons voulu le fouiller au parc La Grange, il s'est automutilé avec notre matraque.» Bilan de l'intervention? Un dealer algérien au front ensanglanté et des agents choqués. «Nous le connaissons depuis un moment. Mais c'est la première fois qu'il dérape», confie Ariane, la benjamine et l'unique femme de l'équipe. Avant de regarder sa montre: «Il est 6h30. On y va.»
Chercher l'action
Direction les Rues-Basses pour un aller-retour à pied entre Rive et la place Bel-Air. A part quelques salutations des travailleurs matinaux, l'ambiance est calme. Mais la surprise peut surgir dans n'importe quel recoin: «Nous essayons de repérer des comportements inhabituels dans la foule. La plupart du temps, nos contrôles ne donnent rien sur le plan pénal, mais servent plutôt de dissuasion, raconte Nicolas Jordan. Cela dit, nous tombons parfois sur des flagrants délits de vol ou d'infractions routières. Dans ces cas, il y a des sanctions plus ou moins graves.» Ce matin-là, à part un camion poubelle bloqué dans une ruelle, rien à signaler au centre-ville. Mais c'est sans compter sur l'animosité de la ronde suivante, du côté du parc La Grange.
Le dealer à poil
Un employé du Service des espaces verts accueille les agents à l'entrée du parc: «Si vous cherchez des dealers, il y en a plusieurs qui rôdent là-haut.» La traque commence. Et vingt minutes plus tard, une vieille connaissance refait surface. Il s'agit de Karim, le dealer algérien hospitalisé la veille. Il porte un grand sparadrap sur le front. «Videz vos poches s'il vous plaît», impose Marcos, un autre agent. Avant de procéder à une palpation du prévenu, qui ne se laisse pas faire: «Vous voulez me détruire, me renvoyer dans mon pays, mais je ne partirai jamais! Je suis bien ici! Et je n'ai pas de drogue sur moi!» Dans un élan de protestation, le trafiquant se déshabille intégralement, au grand dam des familles présentes. Mais aucune interpellation n'est faite: «Rhabillez-vous Karim. On a compris, c'est bon.»
Chasse aux joueurs de bonneteau
Départ pour la Rade, côté rive droite. Il est midi, une des heures préférées des joueurs de bonneteau. Nicolas et Ariane sont au taquet: «Même si la police ne garde jamais ces arnaqueurs plus de trois heures, notre présence permet de ficher les nouvelles têtes de la bande.» Depuis leur retour en mai, une grande blonde et plusieurs jeunes âgés d'une vingtaine d'années ont déjà été repérés: «Il y a sans cesse des nouveaux arrivants pour remplacer ceux qui cumulent les démêlés avec la justice. C'est donc une lutte permanente pour nous. Mais notre travail réduit leur activité.» Pas le temps de finir sa phrase qu'un groupe suspect capte l'attention des agents, qui s'engagent dans une course-poursuite à pied. Très vite, un nouveau jeune homme est fiché. «Il n'y a plus qu'à enregistrer les données au poste», se réjouit Nicolas. Un travail qui ne manquera pas de s'intensifier avec l'avancée de l'été et plus particulièrement, l'inauguration des Pré-Fêtes de Genève. *nom connu de la rédaction
«La plupart du temps, nos contrôles ne donnent rien sur le plan pénal»
Nicolas, agent de la police municipale