Les travaux ont commencé lundi 6 février et devraient durer jusqu’en 2027. Objectif: construire l’extension du Muséum d’histoire naturelle. Le projet «Ambre», du bureau d’architecture MAK SA (Mirko et Marcia Ackermann) consiste à «insérer dans l’espace public un volume lumineux, translucide et abstrait».
Seulement voilà, pour parvenir à un tel résultat, le matériau choisi n’est autre que du quartzite cristallo que l’on ne trouve qu’au Brésil! Venues de gisements naturels et non d’une carrière, «les pierres seront acheminées puis découpées en atelier en Italie» avant de rejoindre le chantier genevois, nous précise Catherine Armand, collaboratrice personnelle de Frédérique Perler, chargée du Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité (DACM). Pas très écolo a priori...
«Solidité, translucidité et durabilité»
En apprenant l’info de notre bouche, le conseiller municipal vert Denis Ruysschaert voit rouge. «La Ville est censée privilégier le travail des entreprises locales. L’argent investi dans des projets d’envergure doit être un moteur pour l’économie genevoise», lâche-t-il, un brin désespéré.
Pourquoi avoir choisi spécifiquement cette pierre? «C’est la seule qui soit si translucide (30%) à 2 cm d’épaisseur, sans ponçage, ni renforcement, répond Catherine Armand. Comme elle ne pompe pas l’eau, elle n’a pas besoin d’être poncée. Ses propriétés sont uniques, alliant densité, solidité, translucidité et durabilité. Seul le quartzite cristallo permet des panneaux de 3x1m.»
N’y avait-il pas moyen de se fournir en Europe? «Il n’existe pas de pierre avec ces qualités et cette apparence en Europe. Les quartzites que l’on trouve sur notre continent ne sont pas similaires (en termes de couleur, de veinage et de translucidité) et les marbres sont différents en raison de leur veinage caractéristique en strates et de leur texture non cristalline.»
Le conseiller municipal PDC, Alain de Kalbermatten, connaisseur des métiers du bâtiment, défend ce choix: «Si ce sont des pierres qui ont des caractéristiques uniques et qu’on ne trouve pas d’équivalent en Europe, je ne vois pas de soucis. De plus, s’il s’agit d’un matériau qui dure dans le temps, cela s’inscrit dans une logique écologique à long terme.»
Se pose tout de même la question de l’impact du transport de ces matériaux d’Amérique latine à Genève en passant par l’Italie... Là encore, le DACM indique avoir procédé à une évaluation de fond. «La situation où le quartzite vient du Brésil a été comparée avec le cas hypothétique où il viendrait d’un lieu situé à moins de 100 km. Résultat: le transport du Brésil au chantier représente à peu près 1.5 à 2 mégajoules/m2/an. Ce chiffre est à comparer avec le besoin global du bâtiment qui devrait se situer autour des 150 MJ/m2/an. Autrement dit, il représente peu de choses à l’échelle du bâtiment.» Qui plus est, toujours selon le département, «l’habillage de l’édifice ne représente qu’une faible proportion des matériaux de construction de l’ensemble».
Conditions de sécurité et âge minimum de la main-d’œuvre
En tant que vice-président de Swissaid Genève, qui opère notamment une veille active sur le négoce des matières premières, Denis Ruysschaert s’interroge aussi sur les conditions d’extraction au Brésil. «L'octroi des gisements se fait souvent au détriment des populations locales. De plus, l'industrie extractiviste de matières non renouvelables est généralement particulièrement nocive pour l’environnement», précise-t-il.
Là encore, le DACM indique avoir obtenu les garanties nécessaires. «Des conditions strictes ont été fixées pour l’obtention de ces matériaux. L’entreprise qui opère au Brésil est une filiale de la société principale basée en Italie et répond de ce fait directement à la société mère. Nous avons reçu les attestations officielles concernant la licence / concession d’exploitation, la licence opérative, les déclarations environnementales et les déclarations d’ordre social (respect et maintien des critères de sécurité, âge minimum de la main-d’œuvre, etc.)», concluent les autorités, visiblement bien préparées à répondre à la critique...