Derrière son bar en lambris, Sylvia Glauser s’active. La patronne du Navy, aidée par son fils Vincent et de sa serveuse Sandra, plie bagage. Les caisses se remplissent de verres ou de bouteilles et s’entassent au sol. «On peut manger?» demande un passant, en glissant la tête dans l’entrebâillement de la porte. «Malheureusement non, lui répond Sandra. On est fermé… Définitivement!»
Samedi 28 août, le bar-restaurant situé place du Bourg-de-Four a connu sa toute dernière soirée. «On a fait une grosse fiesta pour la fermeture, ironise Sylvia. Tous mes petits jeunes sont venus me faire la surprise. Ici, ils étaient à la maison. Certains m’appelaient leur maman du samedi.»
Treize ans
Il faut préciser que depuis bientôt treize ans, soit octobre 2008, Sylvia tenait la boutique. Dans cet établissement mythique, aux décors boisés où un hublot et une cloche rappellent l’univers marin, ont défilé les membres des sociétés étudiantes, les politiciens de tous bords sortant des plénières du Grand Conseil ou du Conseil municipal, les habitants de la Vieille-Ville, etc.
Quand on lui demande son meilleur souvenir, Sylvia a les yeux qui pétillent: «Tout! C’était des surprises tous les jours.» Et de citer aussi les désagréments: «Comme la fois où des féministes ont peinturluré la vitrine en rouge.» En coulisses, son fils, Vincent Glauser complète: «Tu te rappelles, on a passé toute la nuit à nettoyer!» Lui aussi a gardé de sacrés souvenirs de cet établissement familial: «J’y ai fêté mes 18 ans. Qui n’a pas pris une cuite au Navy? lâche-t-il en riant. Ce bar, c’était une institution!»
Bail résilié
Pourquoi l’avoir fermé alors? «Le Covid nous a plombés, explique Sylvia Glauser. On n’a pas reçu d’aide dans le cadre des cas de rigueur. Avec le peu de trésorerie que j’avais, j’ai préféré payer mes employés plutôt que le loyer de 9000 francs, en prévenant la régie bien sûr.»
Contactée par nos soins, la régie précise que «Sylvia Glauser a bénéficié des accords vesta, soit de la gratuité des loyers pour les périodes de mai à juin 2020 et de novembre à décembre 2020.» Une version contestée.
De toute façon, pas de quoi se maintenir à flot, selon la gérante. «Et puis, quand on a pu rouvrir, les conditions météo exécrables n’ont pas aidé!» Résultat: le couperet est tombé durant l’été. «Le 29 juillet, l’huissier est venu me déposer l’avis de résiliation de bail pour le 31 août», indique-t-elle sobrement.
«Mais, c’est un mal pour un bien, poursuit Sylvia Glauser. J’étais tellement fatiguée.» Et son fils de confirmer: «Cela fait sept ans qu’elle n’a pas pris de vacances. Elle va venir travailler en salle avec nous. Et on va se concentrer sur le restaurant de l’Hôtel de Ville.» Connu sous le nom de Chez le père Glôzu, cet autre célèbre établissement de la Vieille-Ville a, lui, connu une cure de jouvence pendant la période de fermeture. «Toute bonne continuation! On viendra à l’Hôtel de Ville», glisse d’ailleurs un habitué à Sylvia en jetant un derrière coup d’œil à l’intérieur. «Actuellement, nous n’avons aucun repreneur en vue, les locaux étant en cours de restitution, souligne la régie. Leur futur sera conforme à leur affectation.» Quoi qu’il en soit, bye bye le Navy!