Blanchiment des dents au rabais: «Illégal et dangereux»

Une hygiéniste dénonce des professionnels de l’esthétique peu scrupuleux qui utilisent des produits chimiques sans en avoir toutes les compétences. La faîtière des esthéticiennes nuance et met la faute sur les bars à sourire. Explications.

  • L’utilisation de produits chimiques pour blanchir les dents est très encadrée par la loi. 123RF/FABIANAPONZI

    L’utilisation de produits chimiques pour blanchir les dents est très encadrée par la loi. 123RF/FABIANAPONZI

«Ultra-sensibilité, gencives abîmées, douleurs aiguës: parfois, les patients n’arrivent même plus à respirer avec la bouche», s’alarme Laura Chiavazza, hygiéniste dentaire indépendante. Depuis plusieurs mois, la praticienne observe un phénomène inquiétant dans son cabinet du centre-ville: toujours plus de patients consultent pour des problèmes survenus après des traitements pour blanchiment dentaire réalisés dans des instituts de beauté plutôt que dans des cabinets dentaires. Et la professionnelle en colère d’accuser des acteurs de l’esthétique de pratiquer illégalement des traitements chimiques.

Prix très attractifs

Très présents sur les réseaux sociaux, de nombreux cabinets de soins esthétiques proposent en effet un sourire d’une blancheur étincelante en appâtant les clients avec des prix défiant toute concurrence. Une centaine de francs seulement, contre environ 500 francs dans un cabinet d’hygiène dentaire. «Je ne comprends pas comment on peut laisser des gens se faire mutiler alors que la loi réglemente le blanchiment des dents», s’étrangle Laura Chiavazza.

Interdiction

La pratique est en effet strictement encadrée par la loi. De façon générale, les produits de blanchiments peuvent être utilisés comme cosmétique uniquement s’ils contiennent moins de 0,1% de peroxyde d’hydrogène. «Les produits qui en contiennent davantage sont réservés aux praticiens dentaires et ne sont pas destinés aux mineurs», rappelle Laurent Paoliello, porte-parole du Département de la santé. En 2019, de nombreux contrôles avaient d’ailleurs été menés: sur 35 cas, un seul échantillon contenant une très forte valeur en peroxyde d’hydrogène avait été séquestré puis retiré du marché.

A quoi s’expose un cabinet d’esthétique qui ne respecte pas ces règles? «Cela peut aller des mesures correctives immédiates à une sanction pécuniaire. Une fermeture est également possible», ajoute le porte-parole.

Alors, pourquoi laisser ces cabinets exercer? Contactés, les services du médecin cantonal ainsi que l’association suisse des hygiénistes bottent en touche. Impossible de savoir combien de plaintes ont été déposées par des patients lésés ni si des contrôles sont actuellement menés.

«Culte du corps»

Une absence d’information qui exaspère les hygiénistes. A Genève, plusieurs d’entre eux déplorent une trop grande permissivité de la part des autorités. C’est le cas de Sandrine*, qui officie dans un cabinet dentaire proche de la plaine de Plainpalais et qui observe également davantage de cas problématiques ces derniers mois. «C’est le culte du corps. Alors que souvent, les gens n’ont pas besoin de ce type de traitement.» L’hygiéniste rappelle qu’un contrôle dentaire est nécessaire avant un traitement. Un traitement impossible à faire dans un cabinet d’esthétique. «Après, c’est nous qui devons essayer de rattraper le travail mal fait», conclut Sandrine.

* prénom d’emprunt

«Chacun son métier»

«Nous avons le droit d’utiliser le peroxyde d’hydrogène dans les normes de concentration admises par l’OFSP [Office fédéral de la santé publique] et Swissmedic (moins de 0,1%) . Il s’agit donc d’une pratique autorisée, même si la pose de produit en bouche est réservée aux dentistes et hygiénistes», plaide Christelle Monney, au nom de l’Association suisse des esthéticiennes avec certificat fédéral de capacité (CFC). La faîtière reconnaît toutefois une situation problématique, notamment avec le développement des bars à sourire. «Chacun son métier. Les amalgames sont vite faits avec des praticiens peu consciencieux et cela jette souvent l’opprobre sur notre profession», déplore Christelle Monney. Et de conclure: «Le bon marché coûte souvent cher.»