Tous les matins sur le lac à 5h pour poser les premiers filets

RENCONTRE • Michel Perrissol approvisionne les restaurants genevois depuis plus de trente ans grâce au produit de sa pêche quotidienne dans le Léman. Un métier particulièrement exigeant, pour passionnés uniquement.

  • Malgré l’expérience, les poissons ne sont pas toujours là où on  croit. TR

    Malgré l’expérience, les poissons ne sont pas toujours là où on croit. TR

«Je me lève tous les matins à 3h30. A 5h, on est déjà sur le lac pour poser les premiers filets. Il est 7h30, c'est l'heure d'aller les chercher, on ne traîne pas», annonce Michel Perrissol, pêcheur professionnel sur le Léman et locataire d'une des cinq cabanes de la maison de la Pêche, fraîchement inaugurée aux Eaux-Vives. Il charge quelques paniers vides et deux seaux de glaces sur le bateau qui s'élance rapidement sur l’eau calme. «Aujourd’hui, avec ces conditions, c’est un rêve. Mais hier, la bise nous a fait de belles frayeurs. On aurait pu se renverser!», s’exclame Michel Perrissol.

Son objectif: Ramener 60 kilos de perche, véritable star des poissons du Léman et mets particulièrement apprécié des clients sur les tables genevoises. «On se concentre sur ce poisson pendant l’été. En hiver, on a la féra et le brochet», explique le pêcheur, qui fournit de nombreux restaurants aux quatre coins du canton, parmi lesquels le Bœuf Rouge aux Pâquis, l’Auberge de Landecy ou l’Odéon, à Plainpalais. «On n’a pas de problème de demande. Au contraire, on se fait engueuler quand on revient bredouille», lance Michel Perrissol.

«Un produit fragile»

Arrivé devant un petit drapeau flottant qui sert de repère, il se saisit du premier filet qu’il remonte patiemment sur le bateau. Avec des crochets, on démaille ensuite les poissons de leur emprise pour les placer dans les seaux et les recouvrir très vite de glace pilée. «C’est un produit extrêmement fragile, il ne faut pas traîner», précise le pêcheur. Rapidement un constat s’impose: la pêche s’annonce mauvaise, même si une bonne surprise n’est pas impossible. A l’intérieur du premier filet, à peine quelques kilos de perches. «En ce moment, ce n’est pas facile, déplore le pêcheur. Le problème, c’est que les gens ne comprennent pas que le poisson se cherche et qu’on n’est jamais certain de la quantité qu’on va ramener».

Contraintes de l’indépendance

Certaines années peuvent se montrer particulièrement compliquées. A l’image de la période de 1977 à 1983, pendant laquelle la surpêche a provoqué une pénurie de poissons. «A cette époque, j’ai exercé d’autres professions, comme peintre en bâtiment ou mécanicien sur bateaux. Il faut bien nourrir sa famille», justifie ce père de trois enfants.

Il rappelle que le caractère indépendant de sa profession pose de nombreuses contraintes, notamment financières. «C’est très dur. Quand tu es pêcheur, tu fais souvent des nuits blanches au moment de régler tes factures. Et puis, il faut payer pour la place d’amarrage et pour la cabane… On est obligé de travailler six jours sur sept pour s’en sortir», prévient Michel Perrissol à l’intention des jeunes qui pourraient être séduits par l’aventure. Ce jour-là, dans les six filets déposés au large de la nouvelle plage du parc William-Rappard, seuls une dizaine de kilos de perches seront ramenés. «Espérons qu’il y en aura plus la prochaine fois. Là, ça ne couvre même pas mes frais», regrette le pêcheur.

Métier passion

Pas de quoi perdre son sourire, ni son amour pour le Léman. «Même si, ce lac, c’est un peu comme ma femme, elle ne me donne presque rien», plaisante-t-il. Avant de reconnaître que ce sont ces eaux qui l’ont fait vivre pendant toutes ces années.

Autre avantage du métier: la vue sur la rade, très appréciée par notre pêcheur. «Il y a peu de métier avec un tel cadre», souligne-t-il. Et de relativiser rapidement. «L’hiver, on souffre. La bise souffle sur nos mains qui sont tout le temps dans l’eau… Si je devais recommencer, je ne suis pas certain que je choisirais cette voie», conclut Michel Perrissol, en rangeant ses filets.