«Bonjour, bienvenue à bord!» Vêtu de son uniforme, le capitaine David Vuarnet accueille les passagers sur le Savoie, véritable monument historique flottant, amarré devant le Jardin anglais. Dans quelques instants, le bateau de 1914 s’élancera pour une boucle de deux heures sur les eaux genevoises et vaudoises. Une fois les passagers à bord, le capitaine rejoint la timonerie, partie du navire qui abrite les appareils de navigation. C’est d’ici qu’il lance le bal.
Après avoir donné un premier coup de sifflet pour faire enlever les cordes retenant le bateau, il donne l’ordre de se mettre en marche en actionnant le transmetteur d’ordre (en forme de roue) relié à la salle des machines. S’ensuit un échange d’informations avec ladite salle. «C’est un des derniers métiers d’action manuel. Je passe l’ordre depuis le poste de commandement où nous sommes, et les mécaniciens l’exécutent. Cela demande de la coordination et une bonne communication», explique David Vuarnet.
Un bateau de 350 tonnes
Une fois en route, comme dans un avion, place à l’annonce du programme par le capitaine. «Même s’il y a de nombreux habitués, nous sommes une croisière essentiellement touristique. Il est important d’accueillir nos clients de cette façon», précise-t-il. A peine partis et déjà un premier arrêt à effectuer: celui de Genève-Pâquis.
Au sommet de ce bateau qui peut atteindre la vitesse de 22 km/h et qui pèse 350 kilos, l’approche du port a de quoi impressionner le profane. Mais pas le capitaine, qui donne simplement l’ordre d’activer la marche arrière, avec un calme déconcertant, de quoi éviter un contact trop abrupt avec le rivage. «Question d’habitude! Cela fait 15 ans que je suis capitaine», souligne David Vuarnet. Malgré les années, il affirme ne jamais se lasser du décor. «Chaque jour la luminosité change, ainsi que la couleur de l’eau. Dans un bateau, il n’y a pas de train-train», s’amuse-t-il. Il poursuit: «J’aime ce que je fais. Faire fonctionner ces navires classés est un privilège.»
Un métier exigeant
Pourtant, le métier de capitaine est loin d’être un long fleuve tranquille. Particulièrement exigeant, il demande des connaissances approfondies dans divers domaines. «Il faut connaître le lac, les courants, savoir lire la météo, anticiper les comportements des baigneurs et des navigateurs amateurs… C’est vrai que ce n’est pas de tout repos», reconnaît David Vuarnet. Justement, alors que nous effectuons un arrêt à Coppet, dans le canton de Vaud, un nageur à peine visible surgit devant le bateau. Pas de quoi perturber le capitaine, qui attendra patiemment que la voie soit libre pour repartir. «Naviguer demande une vigilance de tous les instants. Nous venons d’ailleurs régulièrement en aide à des personnes en détresse», témoigne David Vuarnet. Le dernier en date? Un véliplanchiste, incapable de rejoindre la rive en raison du courant.
Pendant la croisière, ce perfectionniste prend le temps d’effectuer un tour complet de son bateau. Après un passage par le restaurant et les différents ponts, on descend dans les entrailles, là où est chauffée la vapeur qui fait avancer le navire. Une machine historique alimentée au mazout avec une forme particulièrement impressionnante, à base de rouages et de pistons qui activent un gigantesque bras métallique. Devant elle, David, mécanicien depuis 14 ans, exécute les ordres donnés par le capitaine.
Après environ deux heures de voyage, nous revoilà à notre point de départ. Alors que les passagers s’en vont, le personnel – lui – s’active déjà afin de préparer le bateau pour accueillir la croisière du soir. «C’est vrai qu’à raison de trois par jour, le rythme est soutenu. Mais c’est un métier de passionnés», conclut le capitaine.