«Notre fils est innocent. C’est une terrible erreur judiciaire»

TÉMOIGNAGE • Les parents de John mènent un inlassable combat pour faire sortir leur fils de prison. Condamné en appel pour meurtre, il est incarcéré à Champ-Dollon en attendant la décision du Tribunal fédéral. Rencontre.

  • Les parents de John et leur avocat Me Robert Assael ont déposé un recours devant le TF. MP

    Les parents de John et leur avocat Me Robert Assael ont déposé un recours devant le TF. MP

Elle parle vite comme si elle était habitée par une urgence. Son maquillage bleu intense peine à cacher les cernes et sans doute les larmes. Lui se contente de quelques phrases, prononcées d’une voix calme et douce. Depuis trois ans, les parents de John se battent pour faire sortir leur fils de prison.

Ce dernier, âgé de 26 ans, est à Champ-Dollon. Il a été condamné en appel le 23 septembre 2022 à treize ans d’emprisonnement, pour le meurtre de sa compagne, âgée d’un an de moins que lui. La jeune femme est décédée d’un coup de couteau au thorax, le 18 décembre 2019, à leur domicile à Chêne-Bourg.

Ultime recours déposé

Une condamnation contre laquelle John et son avocat, Me Robert Assaël, ont déposé un recours devant le Tribunal fédéral (TF). Pas question ici de se prononcer sur le fond de l’affaire, le GHI a simplement souhaité recueillir le témoignage de ce couple qui a vu sa vie basculer un soir de décembre. «C’est épouvantable! Il faut le vivre pour le croire. On pense que ça n’arrive que dans les films, lance la mère de John. Comment peut-on en arriver à une telle erreur judiciaire? Nous sommes révoltés.»

Selon eux, il ne fait aucun doute que la jeune femme s’est suicidée. «Il nous a appelés juste après, explique le père. Il a toujours dit qu’elle s’était donné un coup de couteau. Il n’a jamais changé de version.» Aux yeux de la justice en revanche, John est l’auteur du geste meurtrier.

En attendant la décision du TF, les parents de John clament l’innocence de ce dernier. Ils en veulent pour preuve l’expertise psychiatrique de John. «Les experts ont dit que les personnes dépressives, comme l’était mon client, sont plutôt passives, complète l’avocat. Quand elles commettent un acte de violence, c’est habituellement à l’égard d’elles-mêmes et non de tiers. Les experts ont conclu dès lors qu’il n’y avait aucune raison objective de penser que le trouble dépressif de mon mandant ait pu spécifiquement entraîner une hétéroagressivité.»

Autre élément mis en avant par les parents: l’autopsie. «Les légistes disent que vu l’angle du coup et la profondeur, il est possible que ce soit une hétéro mais aussi une auto-agression. Il y a, à tout le moins, un doute. Le doute a sa place dans cette affaire», répète la mère du jeune homme qui connaît visiblement chaque page du dossier. «Depuis le début, le Ministère public est fermé. C’est plus facile de balayer tous ces éléments et de le déclarer coupable. On est dans un système où tout le monde est aveugle et sourd», déplore-t-elle.

Comment expliquer cependant que John ait quitté l’appartement juste après le coup de couteau et qu’il soit allé dans sa voiture pour appeler ses parents plutôt que de chercher de l’aide ou de contacter les secours? «Il a peur du sang, précise sa maman. Et ce depuis tout petit. Il a paniqué. Même les experts ont dit que par réflexe naturel, il a spontanément appelé ses parents.»

Et son père d’ajouter: «Quand il veut se réfugier quelque part, il va dans sa voiture. C’est ce qu’il a fait. Quand je l’ai eu au téléphone. Je lui ai conseillé de raccrocher et d’appeler immédiatement le 144.» Ce qu’il finit par faire. L’avocat de la défense, Robert Assaël relève: «Sur l’enregistrement de l’appel au 144, on entend que John est en panique totale, incompatible avec un meurtre.»

Aux yeux du Ministère public en revanche, la culpabilité de John ne fait aucun doute. Pour le procureur Clément Emery, cité par la Tribune de Genève, à l’occasion de son réquisitoire en première instance, l’explication, c’est «un homme qui a tué sa femme parce qu’elle le quittait». Il avait découvert les messages qu’elle échangeait avec son nouvel amoureux. Dans leurs plaidoiries, les avocats de la famille de la victime, Me Guerric Canonica et Me Yaël Hayat, avaient estimé qu’il s’agissait de l’élément déclencheur.

«Les féminicides, c’est terrible quand ça arrive, estime, quant à elle, la mère de John. Et on comprend la peine de leur famille. Mais, John ne cesse de le dire: il n’a rien fait.»

On ose une question: s’il l’avait tuée, en tant que parents, ne prendraient-ils pas de toute façon sa défense? «S’il l’avait fait, il nous l’aurait dit. Et je ne pourrais pas mentir, répond le père. Je suis intimement convaincu que ce n’est pas lui.»

Ce à quoi, la mère ajoute: «Il ne peut pas me regarder et me mentir. Aujourd’hui, sa vie est détruite. Sa copine s’est donné la mort devant lui et il est en prison. Il n’arrête pas de me dire: Si seulement j’avais eu une caméra chez moi. Tout le monde saurait que ce n’est pas moi. Il me répète: «Je n’aurais jamais pu faire une chose pareille. Maman, sors-moi de cet enfer!» Le Tribunal fédéral tranchera.