RELATIONS INTERNATIONALES • Voici quelques jours, l’ambassadrice d’Ukraine affirmait dans le Blick que la Suisse ne pouvait pas être neutre face à la guerre d’agression russe dont son pays est victime. «Il s’agit de défendre l’ordre juridique international et les droits de l’homme», disait-elle, ajoutant: «Le principe suisse de neutralité repose sur des accords conclus au cours des siècles passés. Mais avec l’établissement du droit international public après la Seconde Guerre mondiale, la situation a fondamentalement changé.»
S’il est vrai que c’est lors du Congrès de Vienne de 1815 que les puissances victorieuses ont accordé à la Suisse la neutralité perpétuelle et qu’il faut encore remonter au traité de la Haye du 18 octobre 1907, ratifiée par la Suisse le 11 juillet 1910, pour découvrir quels sont les droits et devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre, il n’empêche que faire fi et de l’histoire et de ce traité, qui nous oblige, serait une faute, aux conséquences imprévisibles. En effet, serions-nous encore crédibles sur le plan international au sens large et non limité aux pays de l’UE à qui la Suisse a vendu des armes et des munitions?
Que nous apprend le traité de La Haye?
– Une puissance neutre doit s’interdire de former des combattants au profit des belligérants (art.4)
– Elle doit veiller à ce que son territoire ne soit pas utilisé par les belligérants (art.5)
– Elle doit traiter les belligérants sur un pied d’égalité (art.9)
– Elle a le droit de se défendre (art.10)
– Elle doit s’abstenir de tout acte hostile à l’égard d’un belligérant (art.17).
S’agissant maintenant de la demande pressante de certains Etats, Allemagne en tête, de pouvoir réexporter les armes et munitions achetées en Suisse, cette demande contreviendrait clairement à l’art.9, vu l’impossibilité dans laquelle se trouve la Suisse de fournir à la Russie la même quantité d’armes et de munitions, voire même à l’art. 17.
Certains ne manqueront pas de dire que cette affirmation est du juridisme mal venu et que la neutralité vue sous cet angle est pur égoïsme et même veulerie.
Mais, au fond, sommes-nous comptables, voire garants de l’histoire des autres? Devons-nous être solidaires des erreurs politiques commises avant le conflit par le gouvernement ukrainien et qui ont servi de prétexte à la Russie pour déclencher la guerre? Certainement pas. Sommes-nous à la traîne vis-à-vis de l’Ukraine comparés à ceux qui nous entourent? Certainement pas.
Car, il y a différentes façons d’apporter son aide. En accueillant des réfugiés (nous en comptions 70'000 en novembre 2022, soit beaucoup plus que la France proportionnellement, qui en a accueilli 118’000), en livrant du matériel de secours, des équipements sanitaires en particulier, en détachant des experts, en s’impliquant dans le déminage de vastes régions. Sans oublier un soutien financier important, qui, j’imagine, ne fera qu’augmenter comme il se doit.
Jusqu’ici, la neutralité a été pour nous une fidèle alliée, nous a protégés des première et deuxième guerres mondiales. Nous a permis de jouer un rôle de médiateur international important, reconnu, grâce à notre crédibilité. S’en défaire pour faire plaisir aux autres? Trois fois non. N’en déplaise à nos contradicteurs. Ce n’est pas lorsque le ciel s’assombrit et que l’orage menace qu’il faut jeter son parapluie. Dans ce contexte, pensons seulement à renforcer nos forces armées.
Et à propos de neutralité, ne serait-il pas opportun de faire comprendre à l’Ukraine tout l’avantage qu’elle pourrait tirer d’une neutralité armée, reconnue internationalement?