Une Eglise qui participe à des manifestations en faveur des minorités sexuelles (la Marche des fiertés), publie des vidéos sur TikTok et prône l’œcuménisme. Alors qu’on assimile régulièrement les religions à des dogmes immuables, le protestantisme se distingue par sa volonté de modernité et de changement. Une approche permettant également d’apporter une réponse au désintérêt des jeunes pour les cultes traditionnels. L’occasion d’aller à la rencontre de celles et ceux qui font vivre cette foi à Genève, qu’ils soient «simples» croyants, pasteurs ou impliqués dans des œuvres de charité.
Premier constat, comme la plupart des autres religions, le protestantisme déplore une baisse des adhésions et tente de trouver de nouvelles manières de séduire. Pour cela, l’Eglise protestante de Genève (EPG) mise notamment sur des pasteurs progressistes et connectés. Parmi eux, Carolina Costa, également comédienne, réalisatrice et youtubeuse. Sur les réseaux sociaux, elle assure la diffusion de vidéos et podcasts et interagit avec sa communauté en ligne. Objectif: apporter une parole d’ouverture et «d’espérance», différente des autres religions, notamment aux jeunes. «Autrefois, l’identité protestante réformée n’avait pas besoin de se faire connaître. Aujourd’hui, elle souffre d’être méconnue. Grâce aux réseaux sociaux, nous avons un lien privilégié avec ceux qui se posent des questions», détaille la femme de foi. Parmi les questions abordées: Jésus, Dieu, ou encore la Bible. «La plupart des gens qui s’y intéressent ont été déçus par d’autres communautés chrétiennes plus rigoristes. A nous de leur montrer la diversité du monde chrétien!» Problème: l’internaute reçoit régulièrement des messages dénigrants ou insultants, principalement dus au fait qu’elle est une femme. Sa solution? «Je ne réponds plus. Je me concentre sur celles et ceux qui sont en demande», assure-t-elle.
«Plus accessible»
Plus largement, Carolina Costa plaide en faveur d’une évolution de la manière de vivre sa foi. «Je suis convaincue que notre Eglise a besoin d’une transformation. Par exemple en renouvelant le langage et les rituels pour les rendre plus accessibles. Ou encore en développant le travail spirituel intérieur», plaide-t-elle. Parmi ses réflexions: renforcer les engagements sur les enjeux de justice sociale (lire encadré).
Un avis partagé par Henry Fauche, co-président du Conseil de la Paroisse protestante de Saint-Pierre, en Vieille-Ville, qui observe lui aussi une tendance à la baisse du nombre de fidèles. Pour lui, une refonte est nécessaire. «En conséquence de la réduction du nombre de croyants, mais aussi des moyens financiers et du nombre de pasteurs, nous allons nous retrouver rapidement face à des problèmes de fusion», considère-t-il. Autre souci: la baisse des donations, qui permettent à l’Eglise protestante d’exister. «Nous ne savons pas si les descendants de nos membres actuels voudront encore contribuer», craint-il.
Pourtant, le responsable reste optimiste. «Si nos églises peinent à attirer de nouveaux jeunes, ce n’est pas le cas partout. L’église de Taizé, par exemple, est pleine à craquer. C’est le signe qu’ils y ont trouvé des nouvelles formules efficaces. Et que le besoin de spiritualité est toujours là.» Pour Henry Fauche également, la solution pourrait se trouver du côté d’une plus grande ouverture. «Si la fréquentation diminue, il faudrait limiter les prérequis pour intégrer la paroisse. Ainsi, nous encourageons aussi la mixité, qui a toujours été l’ADN du protestantisme.»
Casser les codes
Du côté des paroissiens, on partage ce type de préoccupations. Laurent Gilliard, engagé depuis 10 ans auprès de l’Eglise protestante, reconnaît qu’il n’est pas toujours simple de revendiquer sa foi. «Etant progressiste, je ne suis pas toujours très à l’aise sur ces questions en société. Parfois, dans certains milieux, on va me regarder de travers. J’essaye de briser le tabou, de dire que c’est ok d’être différent mais ce n’est pas facile», témoigne le trentenaire.
Pour faire bouger les choses, Laurent a rejoint le ministère du LAB, un espace spécialement dédié aux jeunes, dans lequel des expériences sont réalisées. «Nous essayons de ne pas reprendre le modèle du service et du culte, avec des bancs disposés en rang et des monologues. Notre but est de casser les codes, en créant de nouvelles approches, par exemple en privilégiant des canapés plutôt que des bancs classiques.» Le jeune paroissien invite d’ailleurs toute personne qui aurait des idées à les partager avec le LAB.