Claude-Inga Barbey a repris du poil de la bête. Depuis bientôt un an, la comédienne faisait profil bas. Une décision prise suite à une double polémique concernant ses chroniques vidéos publiées sur le site du Temps. La première intitulée «TOC! une euphorie de genre», parue en mars 2021, avait été jugée transphobe par des associations. La seconde, dans laquelle elle imitait les Chinois, en décembre de la même année, avait été qualifiée de raciste. Epuisée par les violentes critiques, Claude-Inga Barbey avait décidé de se retirer des réseaux sociaux. On la retrouve au Casino-Théâtre (où se joue la Revue à partir du 13 octobre), son nouveau livre en mains. Interview.
GHI: Vous revoilà sur le devant de la scène. L’affaire de 2021, c’est du passé? Claude-Inga Barbey: Ça m’a beaucoup atteinte. Plus que ce que je pensais. Sur le moment, on réagit. Puis, vient le coup de massue. A la fin de l’année, tout à coup, je n’avais plus de travail. A cette même période, beaucoup de gens avaient été contraints de se mettre au chômage, à cause du confinement. J’avais, de mon côté, la chance d’avoir ces chroniques. Là, tout s’est arrêté quasi du jour au lendemain.
– Vous semblez encore atteinte. Pourquoi? Ça a été un rouleau compresseur. Rendez-vous compte: quand j’ai participé au débat «Infrarouge» en mars 2021, j’ai dû sortir de la RTS escortée par des policiers. Ce qui me blesse, c’est que ces activistes se trompent de cible. Il y a des choses plus graves qui engendrent la transphobie et le racisme qu’une comédienne qui crée des personnages.
– Comprenez-vous que vos propos aient pu blesser? Ce ne sont pas mes propos. Encore une fois: je crée des personnages qui reflètent l’air du temps. Il y a des Italiens, des Portugais, des intellectuels, des enseignants, etc. Pour le personnage de la patiente dans le sketch «une euphorie de genre», je me suis inspirée d’une amie jurassienne qui était perdue, qui n’a jamais trouvé sa place. En réalité, ce sont les psys qui sont moqués.
– Peut-être l’humour a-t-il tout simplement changé? Je ne pense pas. On peut aimer ou non un humoriste. Mais, faire la police par rapport à ça, c’est du fascisme. Ces mouvements sont très agressifs. J’ai reçu des menaces de morts... pour un sketch! Et regardez ce qui est arrivé au dessinateur Chappatte dernièrement. Il n’y a plus de place pour le débat.
– Avez-vous eu envie de tout arrêter? Ce n’est pas le moment. Mon spectacle Manuela fait salle comble. J’ai encore un public! Quand je ne ferai plus rire, je partirai. Et puis, j’ai l’impression que je me pose les questions que beaucoup de gens se posent. Comme celles que j’évoque dans Poussières du Sahara.
– Ce recueil de chroniques a été écrit pendant la crise sanitaire. Que vous a inspiré cette période? On a vécu quelque chose d’hyperpesant. Beaucoup de gens se sont mis aux antidépresseurs, ont développé de fortes anxiétés. J’ai ressenti le besoin de retranscrire ces angoisses.
– Ce n’est pas très gai pour une humoriste! L’ouvrage tente aussi d’apporter des clés pour surmonter tout ça. J’en appelle à la désobéissance poétique. Dans les mots, mais aussi dans les gestes. Traverser en dehors des passages cloutés; regarder un visage; partir une semaine en Italie. Rêver. Personne ne peut vous empêcher de rêver!La seule issue, c’est d’être dans l’ici et maintenant.
– Ici et maintenant, c’est aussi la Revue qui commence le 13 octobre au Casino-Théâtre. Vous ne craignez pas de vous faire encore des ennemis? C’est l’un des derniers espaces où l’on peut encore rire et échapper aux attaques massives contre la liberté d’expression. Alors, on en profite!