«Un patron paye les salaires de son personnel avant d'engager»

  • Le Conseil d'Etat à l'occasion de la présentation du projet de budget le 15 septembre. MP

Les prévisions fiscales s’améliorent. C’était le cas pour la Ville de Genève, c’est aussi le cas pour le Canton. De quoi réduire le déficit annoncé dans le projet de budget 2023… Pas si sûr. La conseillère d’Etat chargée des Finances, Nathalie Fontanet livre son analyse et nous donne son avis sur la façon dont elle utiliserait cette manne. Interview matinale:

- Les prévisions s'avèrent meilleures que prévues. Avec pas moins de 244 millions de revenus fiscaux supplémentaires. D'où vient cet argent? Effectivement. Dans le cadre des dernières estimations fiscales que nous avons réalisées, comme chaque année, avant le dépôt des amendements au projet de budget, nous enregistrons des revenus fiscaux supplémentaires. Pour bien comprendre: nous procédons notamment à un sondage auprès des entreprises, plusieurs fois par année, afin d’estimer les revenus à venir. Cela nous permet d’établir avec davantage de précision le projet de budget. Cette année, nous avons même ajouté un sondage en mai, en raison de l’éclatement de la guerre en Ukraine. Suite au dernier sondage du mois d’octobre, il ressort une très nette augmentation des revenus des personnes morales. A noter que l'impôt sur la fortune, lui, est en baisse.

- Comment expliquer cette hausse malgré la crise? On a la chance d’avoir un tissu économique très fort. Les revenus fiscaux reposent toutefois majoritairement sur quelques très grosses entreprises et PME. 1% des entreprises représentent 78,2% de l’impôt sur le bénéfice. D’où la nécessité impérative de maintenir des conditions cadre qui restent attrayantes et de ne pas aggraver la pression fiscale.

- Cette hausse des revenus est une bonne nouvelle mais il faut enlever les 117 millions liés à la rétrocession de la BNS… En effet. La numéro 3 de la BNS l’a encore confirmé ce matin, la BNS ne rétrocèdera rien à la Confédération et aux cantons. Donc, en réalité, la marge dont on bénéficie est de 127 millions.

- De quoi sortir Genève des chiffres rouges? Malheureusement, cela ne nous tire pas d’affaires. Nous avons la chance d’avoir une économie extrêmement résiliente - au point qu’entre les comptes 2011 et ceux de 2021, les revenus fiscaux du canton ont augmenté de 33%. Toutefois les charges, elles, augmentent de manière beaucoup trop importante. Entre 2011 et 2021, elles sont en hausse de 35%, sachant que la population a quant à elle augmenté de 9.6%. Nous n'avons donc non pas un problème de revenus, mais de dépenses qu’il faut absolument mieux maîtriser.

- Cela va-t-il permettre de résorber le déficit de 419,6 millions prévu dans le projet de budget 2023? Je crains que non. Le Conseil d’Etat a pris la décision d’utiliser ces revenus supplémentaires pour augmenter les prestations en faveur de la population. Comme annoncé mercredi 9 novembre, les subsides d’assurance maladie ou encore, notamment, l’aide au logement vont augmenter. Cela a un coût.

- Thierry Apothéloz, conseiller d’Etat chargé de la Cohésion sociale a évoqué 26 millions pour les subsides d’assurance maladie. Y a t’il d’autres hausses des charges à prévoir? Nous devons aussi prendre en compte la hausse des coûts de l’énergie, notamment pour l’Etat et pour les entités subventionnées.

- Reste la question de l'annuité et de l'indexation des salaires, c'est réglé? Cela dépendra de l'aboutissement (ou non) des négociations avec les syndicats. Un délai est fixé au mercredi 16 novembre. Leur demande, c’est l’indexation complète, soit 2,7%. Si elle devait être versée, cela correspondrait à un montant de 160 millions. Sachant que dans le PB23, 79,7 millions sont inscrits, il faudrait ajouter 80 millions.

- Avec cette hausse des revenus inespérée, cela paraît difficile de la refuser, d’autant que l'annuité est une obligation légale. Non? L’annuité découle en effet de la loi. Cependant, le Conseil d’Etat peut déposer un projet de loi visant à la suspendre ce qu'il a fait pour 2023.

-Quel est votre avis sur la question? A titre personnel, j’estime que ce qui est dû aux employés doit leur être payé.. Si des économies doivent être faites, elles devraient être faites au niveau des dépenses et non pas sur le traitement des fonctionnaires. A choisir entre payer de façon complète les membres du personnel ou en engager de nouveaux, mon choix est extrêmement vite fait! Dans une entreprise, un patron commence par payer les salaires du personnel existant avant de procéder à de nouveaux engagements.