«Je me suis figé dès que je l’ai aperçue, avec ses pattes poilues et son gros ventre. Elle était énorme! C’est la première fois que j’en voyais une. Je ne savais même pas que ça existait en Suisse», raconte encore fébrile Luc. Il y a une dizaine de jours, ce trentenaire est tombé nez à nez avec une araignée venimeuse. Nosferatu, de son petit nom, gambadait dans les poubelles devant sa maison aux Eaux-Vives.
«Est-ce que c’est dangereux? Que faut-il faire quand on en trouve une?», interroge-t-il, craignant que l’animal indésirable ne s’invite un jour chez lui. Sans réponse et un brin arachnophobe, le Genevois s’est contenté de refermer le container, en espérant que sa nouvelle voisine prenne la poudre d’escampette.
Luc ferait pourtant mieux de s’y faire: l’araignée (Zoropsis spinimana) qu’il a observée est désormais bien installée au bout du lac.
«On voit cette espèce méditerranéenne depuis plusieurs années à Genève. Avec le réchauffement climatique, la tendance ne devrait pas s’inverser», confirme Lionel Monod, chargé de recherche au Muséum d’histoire naturelle de Genève. D’après le spécialiste, inutile de vouloir se barricader. «La zoropse à pattes épineuses est domicole. On la retrouve donc directement dans les maisons et les appartements.»
Piqûres bénignes
Pas de quoi devenir alarmiste pour autant. «Il n’y a pas de souci à se faire, ces araignées ne sont pas dangereuses. Elles ne vont pas nous attaquer sans raison», rassure Lionel Monod. Il reconnaît toutefois qu’une morsure, comparable à celle d’une guêpe, n’est pas agréable.
Son conseil: éviter de tenter de les tuer et essayer de les mettre dehors. Mais attention! «Il ne faut pas les toucher à mains nues. Mieux vaut les prendre dans un verre», prévient le chercheur, qui met en garde contre une réaction inflammatoire ou allergique.
Contactés, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) indiquent toutefois n’avoir jamais eu, à leur connaissance, de consultation pour l’araignée Nosferatu. «Les piqûres de cette araignée sont bénignes et ne nécessitent donc probablement pas de consultation médicale», explique Anne-Laure Roudaut, chargée de communication.
Du côté des autorités, on suit aussi l’évolution de la présence de Nosferatu à Genève, comme pour les nombreuses autres espèces animales invasives qui vivent désormais ici, à l’image du moustique tigre ou de l’écrevisse signal. «Ce n’est pas un phénomène nouveau.
La zoropse à pattes épineuses a été observée en 1998 au Tessin et dès 2013, à Genève», indique Gottlieb Dandliker, inspecteur cantonal de la faune, citant le Centre suisse de cartographie de la Faune (CSCF) et FauneGenève. Ces plateformes, qui permettent à chacun de transmettre ses découvertes, indiquent d’ailleurs que les observations sont en hausse ces dernières années. Une tendance confirmée le 29 septembre à nos confrères de Léman Bleu.
Transports en cause
Comment ces araignées arrivent-elles ici? «Elles voyagent avec les marchandises répond l’inspecteur cantonal, comme le moustique tigre. Le changement climatique facilite leur survie, mais ce sont les transports longue distance qui sont responsables de leur présence ici.» Pas de quoi inquiéter Gottlieb Dandliker pour autant. «Si la région méditerranéenne était devenue invivable pour les humains à cause de ces araignées, cela fait longtemps qu’on le saurait», plaisante-t-il.
«Apprendre à vivre avec»
Face à ce phénomène, les autorités reconnaissent avoir peu de moyens d’action. «Ces araignées européennes ne sont pas vraiment un souci. Mais même pour les espèces problématiques comme le moustique tigre, nous pouvons seulement ralentir leur progression et constater que nous ne pourrons probablement plus les éradiquer. Nous sommes contraints d’apprendre à vivre avec, et notre rôle est aussi de conseiller la population dans ce domaine», conclut l’inspecteur cantonal.