Exergue
Signature
Il est midi, la table est dressée. D’ici peu, ils seront une demi-douzaine à partager le repas, «comme à la maison». Cette tablée n’a pourtant rien d’ordinaire. Ici sont réunis des bénévoles, du personnel, des résidents et leurs proches. Bienvenue à la Maison de Tara, qui accueille des personnes en fin de vie.
Si le contexte est loin d’être gai, cette résidence située à Chêne-Bougeries est, paradoxalement, pleine de vie. Le chef s’active en cuisine. Les jardiniers entretiennent le magnifique espace extérieur. Et Jacqueline, bénévole, prépare le café pour des proches venus rendre visite à un résident. «L’autre jour, les enfants de l’un d’entre eux jouaient au ping-pong dehors. On les entendait rire», témoigne une autre bénévole.
Appel aux bénévoles
Structure associative subventionnée essentiellement par des fonds privés, la Maison de Tara n’est ni un établissement médico-social (EMS), ni un hôpital. «Nous sommes un domicile, pas une institution de soins», insiste la directrice, Sabine Murbach. Et d’ajouter: «Nous fonctionnons grâce à nos cent bénévoles, qui se relaient de 8h à 22h tous les jours.» Tous ont reçu une formation d’une année alliant le savoir-être et
la pratique. «Nous sommes à la recherche de nouvelles recrues», lance la directrice.
La bâtisse, mise à disposition par la commune, compte quatre chambres individuelles, lui permettant d’accueillir quatre résidents. A l’étage, Eliane, bénévole elle aussi, tend un verre de sirop à une octogénaire, allongée dans son lit. Très faible, cette dernière ne quittera pas son lit pour le repas mais esquisse un sourire en apprenant qu’il y a du saumon au menu.
Au rez-de-chaussée, Jacqueline s’affaire, un plateau à la main et un large sourire aux lèvres. Voilà 3, 4 ans qu’elle a rejoint l’équipe de bénévoles, après une carrière professionnelle dans les soins. «Je me suis toujours sentie appelée par cette mission», raconte cette retraitée âgée de 77 ans. «Notre tâche consiste aussi à apaiser les proches, à les accompagner. C’est dur pour eux de se sentir impuissants et ils sont souvent épuisés. Nous sommes là pour eux.»
Créée en 2011
C’est d’ailleurs en compagnie des familles que la Maison de Tara a fêté jeudi 2 juin ses dix ans. Une décennie durant laquelle 238 personnes en fin de vie ont profité de ce havre de paix pour couler leurs derniers jours. La grande majorité souffre d’un cancer et la moyenne d’âge est de 75 ans. «Le plus jeune avait 30 ans et le plus vieux, 99», précise la directrice.
Tous ou presque partagent une certaine philosophie de la vie, «logique lorsqu’on est juste devant la porte de sortie», commente Sabine Murbach. D’où des échanges profonds avec les résidents. A l’image de cette parole restée gravée dans le cœur d’une bénévole: «Toi, tu es dans la vie, moi je n’y suis plus, et la seule chose qui compte maintenant pour moi, c’est l’amour.»
Un amour que Sabine Murbach a maintes fois pu observer au sein de la maison. «Je me souviens de ce jeune homme atteint d’un cancer qui l’empêchait de parler. La manière qu’il avait de regarder sa femme et ses trois enfants remplaçait tous les mots...»