A Versoix, un projet de décharge d’une superficie équivalente à environ 70 terrains de football suscite maintes inquiétudes non seulement à Genève mais aussi dans le canton de Vaud et en France voisine. Si elle voit le jour, l’aire stockera environ 2 millions de m3 de matériaux d’excavation, pendant dix ans. Avec des conséquences sur la biodiversité de ce site protégé, mais aussi sur les sources d’eau à proximité. Une association vient de lancer officiellement une pétition contre le projet.
Un long silence
Suite à l’annonce du projet par le conseil communal de Chavannes-des-Bois il y a environ deux ans, des citoyens se sont mobilisés à travers une association «EcoLaVersoix-EcoChavannes», afin d’assurer la protection de la biodiversité de la Versoix et du site des Tattes-de-Bogis, et d’alerter la population: «On s’est rendu compte que, dès le départ (en 2014), peu d’informations avaient filtré sur ce projet, et que les trois communes n’avaient pas du tout communiqué», déplore le comité de l’association. Et d’ajouter: «ni les habitants de la commune, ni les autorités genevoises ou françaises n’ont été consultés».
Faune menacée
Pourtant, la Versoix et les marais environnants bénéficient d’une reconnaissance européenne et transfrontalière quant à leur importance sur la biodiversité de la région. Les impacts environnementaux d’un tel projet sont donc nombreux: le site des Tattes-de-Bogis est protégé, inscrit dans l’inventaire fédéral des paysages, et constitue un espace de reproduction des batraciens. Il est aussi un corridor faunistique pour les cerfs qui descendent du Jura vers la plaine. Enfin, la parcelle agricole des Tattes-de-Bogis est une zone de nidification pour des espèces prioritaires comme l’alouette des champs, la caille des blés ou la pie-grièche écorcheur.
Si la décharge voit le jour, ce ne sont pas moins de 75 camions par jour, pesant jusqu’à 38 tonnes, qui emprunteront le site. Sans compter le bruit permanent des bulldozers, pollution sonore pour la faune comme pour les habitants de la commune. «Dès lors que l’on accepte que soient déposés des matériaux de type B faiblement pollués, on accepte la possibilité que, par le biais des eaux de ruissellement, cette pollution puisse terminer dans la Versoix», déplore l’association EcoLaVersoix dans son argumentaire.
D’autres sites plus adéquats?
Le projet de réfection de la route de la Branvaude a offert un répit au projet de décharge. Cependant, diverses réunions entre l’association EcoLaVersoix et les Verts de Versoix ont débouché sur une motion au Grand Conseil genevois le 9 janvier 2023, déposée par la députée Christina Meissner. En février de la même année, le Conseil municipal versoisien a quant à lui transmis un projet de résolution, soutenu par l’ensemble des partis, exhortant le Conseil administratif à solliciter une concertation auprès des autorités cantonales genevoises. Plus récemment, lors de la dernière assemblée générale des verts genevois, le président du Conseil d’Etat genevois Antonio Hodgers a été interpellé à ce sujet.
Clause du besoin
Interrogé Denis Rychner, conseiller en communication à la direction générale de l’environnement du canton de Vaud, déclare: «Le site des Tattes-de-Bogis répond pleinement à la clause du besoin. Il est conforme au Plan sectoriel des décharges contrôlées, lequel consigne tous les critères de sélection pour de tels aménagements.»
Mais voilà, la région de la Versoix devrait bientôt accueillir trois décharges distantes d’à peine quelques kilomètres les unes des autres: une à Bellevue (GE) pour des matériaux de catégorie A, une à Vesancy (FR) pour une Installation de stockage de déchets inertes (ISDI) et celle de Terre-Sainte (VD) pour des matériaux de catégories A et B. La concentration de ces trois sites pose la question de la concertation intercantonale et internationale au niveau du Grand Genève. Ce que déplore notamment Jacklean Kalibala, députée socialiste au Parlement genevois, au sujet du projet de Tattes-de-Bogis: «On se demande pourquoi il n’y a pas eu plus de collaboration ni de concertation transfrontalière. Je partage évidemment les préoccupations au niveau de l’impact sur notre environnement à Genève.»
Débat sur la durabilité
Une question subsidiaire a en outre été soulevée dans le texte déposé le 30 avril par la députée Nathalie Vez au Grand Conseil vaudois: «La création de nouvelles décharges dans le canton tient-elle compte des avancées dans les domaines de la durabilité des nouvelles constructions et de la valorisation des matériaux?».
A ce propos, Denis Rychner rappelle: «Une gestion responsable des déchets nécessite de disposer des infrastructures adéquates pour leur traitement et leur élimination. Les sites de stockage définitifs pour les matériaux non valorisables demeurent dès lors essentiels. En effet, malgré les efforts consentis dans la valorisation ou le réemploi des déchets de chantier, une élimination en décharge d’une partie de ceux-ci ne peut malheureusement pas être évitée.»
Examen des services cantonaux
Et Denis Rychner de conclure: «Tous les aspects portant sur la protection de l’environnement et la réduction des nuisances écologiques et de trafic seront détaillés et trouveront leur réponse de manière circonstanciée dans le rapport d’impact sur l’environnement (RIE) qui doit encore être rédigé.»
Après la phase d’étude, le projet fera l’objet d’un examen préalable par les services cantonaux, afin de s’assurer de la conformité des exigences légales. Réponse au premier trimestre 2025.
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