«Ma femme est une piètre cuisinière; au lieu d’une minuterie, c’est un détecteur de fumée qu’il lui faudrait!»... Une boutade parmi d’autres illustrant à la fois l’humour irlandais et l’attention portée, au pays d’Oscar Wilde et de George Bernard Shaw, à tout ce qui touche à l’alimentation.
Désormais, on ose même parler de gastronomie là où l’on succombait – au milieu du XIXe siècle –, à une dramatique famine. On s’est ensuite cantonné à quelques «fondamentaux» (ragoût de mouton et autres fish & chips). Dans les années 90, le boom économique du «tigre celtique» – 11% de croissance en 1999 – va attirer en Irlande toute une batterie de chefs formés dans les meilleures cuisines, intéressés à (re)valoriser les produits du terroir: poissons, fruits de mer, fromages, primeurs cultivés sans pesticides. Résultat: une floraison d’adresses renommées, tantôt réservées aux plus nantis, tantôt rendues plus abordables, en phase de récession. A en croire Sean – tenancier d’un pub à Dingle – le prix du menu est un «bon baromètre du climat économique, à l’image d’une météo locale capable de générer quatre saisons le même jour».
On saisit l’amplitude des fluctuations et on salue la résilience des insulaires, actuellement récompensée par une nouvelle embellie conjoncturelle.
TJ O’Connor dirige une section d’école hôtelière dans le Kerry (au Sud-Ouest de la République). Il s’émerveille de l’engouement de tout le Comté pour la qualité des produits régionaux: «Le nombre d’associations attachées à leur promotion vous surprendra. Elles organisent des marchés et des festivals où vous trouverez bières locales, charcuteries, produits laitiers et autres légumes à la fraîcheur incomparable.»
Certes, les manifestations dédiées aux plaisirs de la bouche n’ont pas toutes l’allure d’un grand Salon gastronomique. Elles ressemblent souvent à une kermesse de patronage. Mais les mamies affairées à écouler leurs cakes, scones et confitures maison n’en sont que plus touchantes.
Samedi soir, on se bouscule au restaurant Global Village de Dingle, non loin du décor naturel du film La fille de Ryan. Entre 18h et 19h, la formule early bird permet de tester un menu raffiné à moindre coût, laissant au tenancier la possibilité d’augmenter ses marges lors d’un second service plus tardif. Alors, Bain Súp As (bon appétit!) comme on dit dans cette contrée où la langue gaélique est couramment pratiquée.