Est-il possible de se dire journaliste et de ne pas être en lutte? Dans ce métier, on se bat pour découvrir des faits dont le public n’a pas encore connaissance, comme on se bat pour être les premiers à le faire ou contre sa hiérarchie, parfois, pour imposer un sujet et, surtout, contre ses préjugés.
Car dans ce métier, il s’agit avant tout d’être en alerte contre soi-même, ce qu’on croit savoir, ce qu’on estime comprendre mieux que quiconque. Le piège, je l’ai remarqué – chez moi, comme chez d’autres – est d’avoir à l’esprit le résumé critique d’une situation donnée, avant même de prendre connaissance de ce que ceux qui la vivent en pensent, en disent. Cette humilité, ce doute permanent sur nos connaissances et notre compréhension, reste, de mon point de vue, à la base du bon journalisme.
Schtroumpf à lunettes
Sans ce présupposé, on se retrouve vite à vendre de la vérité, sa vérité, avec une insupportable prétention, qui nous éloigne de la réalité des faits tout autant que de nos lecteurs, rarement dupes. Ceux-ci, comme toujours, votent avec leur porte-monnaie. S’ils se détournent aujourd’hui des médias traditionnels, ce n’est pas à cause de la technologie, mais parce que personne n’aime le petit ton acide et pontifiant du Schtroumpf à lunettes. En difficulté, il ne trouvera d’ailleurs personne pour le tirer d’affaire.