Nha Trang, ancien village de pêcheurs devenu station balnéaire… russe! Deux jeunes Vietnamiennes tentent des selfies devant la statue d’Alexandre Yersin et la mer de Chine en arrière-plan.
Le Yersin de granit mesure 4,60 mètres de haut, elles ont besoin d’aide… cela facilitera notre conversation. Mais elles ne comprennent pas la question. Yersin? Oui, la statue. Les sourires reviennent, la moquerie en plus. Ici, il faut prononcer quelque chose qui ressemblerait à Yerltzciiiine!
Bienfaiteur et humaniste
Au Vietnam, Yersin a ses rues et lycées. L’université de Dalat (Dà Lat en vietnamien) porte son nom, son musée est à l’Institut Pasteur de Nha Trang. A Suoi Dau (prononcer souille yao), à 20 km de Nha Trang, où il fut enterré en 1943, il est écrit «Bienfaiteur et Humaniste, vénéré du Peuple vietnamien».
Qui est ce Suisse né à Aubonne en 1863, naturalisé français en 1899? La vie de celui qui a fait partie de la première équipe de chercheurs de Pasteur est impossible à résumer. Deux mots latins nous éclairent: Yersinia pestis. Il a découvert le bacille de la peste. Il a fondé la ville de Dà Lat, à 1500 mètres d’altitude, créé une ferme à Hon Ba (50 km de Nha Trang), introduit l’arbre à caoutchouc, l’hévéa, et vendu le latex à Michelin. L’arbre à quinine aussi. Il s’est intéressé à la météo et aux astres, a été médecin à bord des Messageries Maritimes puis médecin militaire et explorateur.
On l’appelait Ong Nam
Yersin a fondé l’Institut Pasteur de Nha Trang, mais il s’est tout autant passionné pour les plantes, fruits et légumes. Un matin, sur les hauteurs de Dà Lat, Nguyen Huu Huong, le chef du restaurant Le Petit Dalat (Ana Mandara Villas) nous montre le potager bio qui sublime ses plats. Yersin l’a inspiré pour le sens du détail qu’on ne voit pas mais qui ouvre sur la découverte.
Au Vietnam, on l’appelle toujours Ong Nam (Monsieur Cinq). Peut-être pour ses cinq galons de médecin-colonel. Mais beaucoup ont une autre interprétation. Dans une lettre à sa mère, le docteur Yersin explique qu’il ne fait pas payer ceux qui sont pauvres. «Demander de l’argent pour soigner un de ces malades, c’est un peu lui dire la bourse ou la vie.» Ong Nam peut aussi être compris comme le cinquième membre de la famille. Et cela plaît davantage à la philosophie vietnamienne.