«Ma fille est belle et instruite», «Mon fils dispose d’un appartement». En Chine, de tels arguments font figure d’annonces matrimoniales. A Chengdu, capitale de la province du Sichuan, dont la population dépasse celle de la Suisse, ils s’inscrivent par dizaines sur des affichettes bordant les allées du parc du Peuple: 10 hectares de verdure agrémentés d’un grand lac ponctué de lotus, propice à une navigation romantique.
Un théâtre permanent
C’est là que, chaque jour de l’année, des parents inquiets pour leur propre avenir et celui de leur progéniture viennent alimenter le marché des cœurs à prendre. On repère surtout des mères à la retraite. Les principaux concernés – des jeunes en âge de se marier – sont bien trop occupés pour se mettre eux-mêmes en quête de la perle rare. Dans cette foire aux célibataires, on repère plus d’un regard stressé par l’urgence d’assurer la descendance, chaque nouvelle génération étant censée entretenir la précédente, vieillissante et souvent sans grandes ressources.
Rien de mieux que le poumon vert de cette mégapole polluée pour s’initier aux traditions chinoises. Un monument y est dédié aux héroïques ouvriers sacrifiés à la construction du chemin de fer reliant Chengdu à Chongqing (en 1911). A ses pieds, trempant son éponge dans un seau d’eau, un calligraphe dessine à même le sol d’éphémères idéogrammes, vite évaporés. Passé un portail, on photographie une ronde de seniors concentrés sur leurs pas, rythmée par un air de flûte. Plus loin, quelques octogénaires, un éventail à la main, répètent inlassablement des mouvements fluides et gracieux. Une chanteuse d’opéra à la tenue excentrique s’égosille, ignorant superbement la voisine chorale qui, elle, braille des hymnes populaires.
Pour s’extraire de cette cacophonie, il faut viser des recoins plus secrets. On traverse des mini-jardins thématiques ceints de murs en pierres grises. Orchidées et bonzaïs y rivalisent de raffinement dans leurs vasques sculptées.
La tradition résiste à la modernité
Voici enfin la maison de thé meublée de bambou. Elle prodigue un peu de tranquillité aux joueurs de cartes ou de mah-jong. Parmi les vendeurs à la sauvette, les voyants et les cireurs de chaussures, on vous propose un massage ou un nettoyage des oreilles.
Autrefois, un tel lieu convivial existait dans presque toutes les rues de Chengdu. La plupart ont été sacrifiés à la modernité, mais la tradition demeure bien vivace. www.pichonvoyageur