Une Nativité façon Dali ou Picasso, l'âne et le bœuf associés à un décor suburbain intégrant graffitis et symboles d'industrialisation, voilà des fantaisies qui n'offusquent en rien les belenistas (de belèn, signifiant crèche) qui, chaque décembre, se bousculent dans les expositions barcelonaises ou madrilènes.
Les créations des artisans contemporains y côtoient volontiers des réalisations plus anciennes, appartenant aux musées, collectionneurs ou mécènes, lesquels entretiennent la compétition entre associations rivales.
Règles de base
A l'origine, dans la foulée des «miracles» médiévaux, ce sont des acteurs de chair et d'os qui incarnaient les personnages de la Nativité sur le parvis des cathédrales. Aujourd'hui encore, certaines églises ressuscitent ponctuellement ces crèches vivantes.
La Révolution française ayant entraîné la fermeture des églises et la suppression de la messe de minuit, on vit apparaître en Provence des petits personnages, les santoun («petits saints»), censés restaurer un peu de merveilleux dans l'intimité des foyers.
Prouesses techniques
Les aficionados chérissent des réalisations modelées dans la mie de pain, sculptées dans le corail ou l'ivoire, parfois si minuscules qu'il faut les observer à la loupe, ou si fragiles qu'un rien suffirait à briser le verre soufflé dont on les a fait naître. Certains santons primitifs révèlent déjà une inventivité touchante ou un grand sens esthétique. En témoignant, souvent avec drôlerie, des modes et des fantasmes populaires, ils dépassent de loin le simple amusement destiné à ébahir les enfants.
Apprêtées à la sauce coloniale, les Nativités asiatiques ou sud-américaines distillent évidemment des saveurs exotiques: Jésus d'ébène ou Marie aux yeux bridés ne manquent pas de surprendre. Foin d’anachronisme : notre regard ne s'étonne plus de découvrir une Vierge en costume Renaissance ou une étable à l'architecture byzantine !
Inscrite au Livre Guinness des Records, la plus grande crèche mécanique du monde se visite à Jindøichùv Hradec (Bohème du Sud). Son créateur Tomáš Krýza a mis plus de soixante ans pour équiper ses innombrables figurants – paysans, ouvriers, animaux – de mécanismes beaucoup plus rudimentaires toutefois que ceux des automates jurassiens. Naïf et touchant.