Avant de se lancer dans l’écriture de polars, Agatha Christie était une sacrée bourlingueuse. L’auteure de Mort sur le Nil avait notamment parcouru le Proche-Orient aux bras de son second mari – archéologue – avant de s’intéresser à la vallée du Nil, naviguant de Louxor à Assouan, comme les actuels passagers du SS Sudan.
«Le fleuve offrait un aspect sauvage. Des deux côtés, des masses rocheuses, dénudées, descendaient jusqu’au bord de l’eau. Çà et là, quelques vestiges d’habitations abandonnées et minées par les inondations. Panorama mélancolique, presque sinistre», fait-elle dire à l’un de ses personnages.
Rien n’a changé depuis l’écriture de ces lignes. Le même paysage fascinait déjà les écrivains du XIXe siècle, comme Gustave Flaubert face aux rives du fleuve sacré, de plus en plus vertes à mesure que l’on remonte vers la Haute-Egypte, à la vitesse moyenne de 10 km/ h.
Renaissance
«Un jour, quand j’étais gosse, j’ai vu tourner les roues à aubes de cet élégant steamer construit en 1885 et baptisé Sudan par Farouk, son premier propriétaire (à l’époque, le roi régentait aussi cette terre africaine). Waouh! Je me suis dit Inch Allah, un jour je travaillerai dessus!», raconte Ahmed, diplômé d’égyptologie et guide à bord du bateau de légende. Pour que son fantasme devienne réalité, il aura fallu que se mêlent le hasard et les circonstances.
Après bien des travers, la quasi épave du SS Sudan a été repérée par des investisseurs confiants dans son potentiel. Achat, restauration du rafiot dans l’idée d’en préserver l’âme et la machinerie d’origine.
Le résultat est pour le moins bluffant. Il attire une clientèle nourrie de littérature voyageuse et assoiffée d’exotisme romantique. Cabines rétro, ponts en teck, escaliers dûment cirés, tout concourt à faire de ce phénix un décor de cinéma.
Nostalgies
Vous avez dit «cinéma»? Si l’image du SS Sudan nous semble familière, c’est qu’elle a été popularisée par John Guillermin dans son adaptation au grand écran de Mort sur le Nil, il y a quarante ans déjà. Peter Ustinov, Jane Birkin et autre Bette Davis ont joué dans le salon du bateau. En revanche, les scènes extérieures ont mobilisé un autre bâtiment. Mais c’est bien sûr celui-ci qu’a navigué – en 1934 – Agatha Christie. On se presse aujourd’hui pour lui emboîter le pas.