Pour saisir en une image la bivalence taïwanaise, il suffit de grimper sur la colline de Shi So San, et de s’arrêter au temple Wen-Wa. Pointé vers l’horizon, l’objectif révèle une capitale hérissée de constructions stéréotypées, pareilles à celles de la plupart des mégapoles asiatiques. Il en émerge un bambou bleu turquoise: la Tour Taipei et ses 101 étages. Ce gratte-ciel est à la capitale ce que les jumelles Petronas sont à Kuala Lumpur ou burj khalifa à Dubaï: un symbole de fierté nationale, figurant au palmarès des plus hauts buildings contemporains, et dont l’ascenseur le plus rapide du monde ne demande que 37 secondes pour gravir l’édifice jusqu’à la plate-forme d’observation.
Dans ce décor à la Blade Runner, l’allusion au règne végétal voulue par l’architecte C.Y. Lee devrait rappeler – on le devine – que cette nation a de profondes racines. Et, de fait, la verdure n’est jamais bien loin du béton. Jardins publics, bien sûr, mais aussi nature préservée, à explorer à quelques kilomètres déjà des impressionnants nœuds autoroutiers.
Pour mieux pourfendre les idées reçues d’un paysage industriel et pollué, les Taïwanais énumèrent leurs six parcs nationaux et un chapelet de réserves naturelles, véritables sanctuaires. Ils vous font admirer les curiosités géologiques de Yeliou, que l’érosion a patiemment façonnées en bougies ou morilles géantes. L’escalade de la colline voisine offre un panorama caribéen, sable clair et végétation tropicale.
Des plaines du Nord ceinturant Taipei aux collines du Centre et de l’Ouest, la République de Chine produit actuellement plus de 20 tonnes de thé. Et pas n’importe quelles variétés: Tai-Chi, Bai Hao, Luanze Oolong de Dong Ding. Le cru d’Alishan – soigneusement récolté deux fois par an à plus de 2000 mètres – est considéré par les connaisseurs comme l’un des meilleurs du monde. Pas étonnant qu’il puisse se négocier à plus de 2500 francs le kilo.
Plutôt travailleurs et cartésiens, les autochtones n’en font pas moins montre d’une omniprésente superstition. Difficile, dans les temples, de distinguer le culte voué à Confucius de celui dévolu au singe, emblème astrologique de l’année, et dont les figurines – kitch à nos yeux d’Occidentaux – semblent toutes inspirées par Disney ou quelque manga nippon. Pythies et diseurs de bonne aventure se disputent l’enceinte même des sanctuaires pour faire commerce de pacotilles et prédictions.