Récemment encore, Matera, cité troglodytique située dans l’est de la région de Basilicate, était considérée comme «la honte de l’Italie», en raison de ses conditions de vie misérables. Sa nomination comme capitale européenne de la culture 2019 lui a rendu sa dignité. On a réhabilité ses grottes, ses églises rupestres et ses palais baroques. James Bond lui-même l’a investie pour quelques séquences particulièrement mouvementées de sa prochaine mission – la 25e – intitulée Mourir peut attendre.
A noter que le cinéma n’a pas attendu Daniel Craig pour s’intéresser à ce décor de Terre Sainte. En témoignent L’Evangile selon Saint Matthieu, de Pasolini, ou La Passion du Christ, de Mel Gibson. Ces films ont été tournés dans cette cité surnommée la Jérusalem de l’Ouest.
Double amphithéâtre
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que des mesures furent prises pour améliorer les anciens taudis aujourd’hui classés par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Pour saisir le site dans son ensemble, il faut grimper sur un plateau caillouteux surplombant un profond ravin. Edifiée en double amphithéâtre dans cette sorte de cuvette, surgit alors un véritable mille-feuille architectural marqué par toutes les strates de l’histoire. Matera est considérée comme la troisième ville la plus ancienne du monde après Alep (Syrie) et Jéricho (Cisjordanie). L’établissement de populations sur la colline remonte au Néolithique, des paysans et éleveurs de moutons venant creuser leurs habitations dans le tuf. Les Grecs colonisèrent plus tard ce bout d’Italie en y implantant des comptoirs prospères. S’ensuivirent des siècles d’extrême pauvreté.
On parcourt ce dédale de ruelles pavées, fortifications et jardinets envahis par les herbes folles en suivant des itinéraires thématiques, s’émerveillant au passage de l’absence de toute publicité ou enseigne contemporaine.
La visite du Duomo (cathédrale) offre son point de vue photogénique et un bonus délicieusement kitch dans l’une de ses chapelles: une statue de la Vierge, confinée dans une vitrine éclairée au néon bleu. On a vénéré cette Madonna della Bruna début juillet, en la promenant sur un char baroque confectionné en cartapesta (lire encadré pratique) par des mains dévotes. Le jour de la fête, les fidèles ont pris d’assaut ce curieux véhicule pour tenter de lui en arracher un morceau en guise de porte-bonheur. A Matera, la superstition aussi a traversé les âges.